Le Cercle Modernist

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"The Brunswick Records Company Historia" - Première Partie -

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 - Encart Publicitaire 1959 (Source : B.R) -

 

 

 Nat Tarnopol : un homme providentiel

 

 

En abordant le long parcours du fameux label BRUNSWICK, c'est tout un pan de l'histoire musicale des Etats-Unis que nous allons tenter de cerner.

Comme avec l'article "Chicago Music Factory" à venir, c'est la ville de Chicago qui nous intéresse.

Cela n'est pas étonnant : la Windy City est bien une des villes phares de la musique et de la culture Afro-américaine.

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De plus, comme la plupart des sagas autour des maisons de disques ; le label BRUNSWICK est indissociable d' un personnage emblématique qui va forger son histoire.

Une personnalité qui va longuement accompagner le label : de ses premiers succès, aux heures plus fastes de la consécration.

Ce personnage incontournable dans l'histoire et l'évolution du label répond au nom de Nat Tarnopol.

 

  

006.jpg  -  Nat Tarnopol (Source : B.R) -

  

Nat Tarnopol va, dés son plus jeune âge, faire un choix radical pour entrer dans le monde du Showbizness.

Il démissionne donc à l'âge de 25 ans de son poste dans l'entreprise "Union Tire" à Detroit.

Malgré un salaire confortable, il fait ce choix difficile mais décisif, non sans avoir préparé ses affaires comme nous le verrons par la suite...

Pour la petite histoire l'entreprise "Union Tire" existe encore de nos jours à Detroit.

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Le jeune Nat Tarnopol y aurait surement fait une belle carrière.

 Mais il savait que son destin était indissociable de son unique passion : la musique.

Il fréquente le fameux Flame Show Bar à Detroit, dans le quartier de Black Bottom.

Il va y découvrir, avec ferveur, la scène Rhythm'n'Blues et Doo-Woop locale, cet à dire la "crème de la crème" de l'époque.

 

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 - Flame Show Bar à Detroit 1963 (Source : CD) - 

 

Pourtant, il est prédestiné au départ par son ascendance familiale à suivre une autre voie.

Sa famille est de confession Juive, très pratiquante même, elle fonde de grandes espérances pour leur fils.

En effet,dès son plus jeune âge ses parents le poussent  pour qu'il devienne un Rabbin.

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Mais, le jeune Nat est déjà passionné par la musique.

Il décide de s'aventurer dans le ShowBizness pour produire ses propres artistes.

Il ouvre ainsi une des plus prolifiques histoire de l'industrie du disque à la tête du label BRUNSWICK.  

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La rencontre décisive avec Jackie Wilson



Comme nous l'avons précisé auparavant, Nat Arnopole passe donc la plupart de son temps au Flame Show Bar.

C'est le club musical dirigé par Maurice King, jusqu'à sa fermeture en 1963.

Le Flame Show est le bar incontournable pour voir les meilleurs chanteurs et musiciens à Detroit.

 •

Les jeunes recrues peuvent faire leur première expérience dans le club.

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 Le groupe des jeunes Four Tops va par exemple faire ses premiers concerts au Flame Show Bar.

Le groupe va préparer dans ce club ce fantastique show qui va devenir légendaire.

Tous le monde connait les sublimes performances des Four Tops.

Des performances caractérisées par leur parfaite élégance vestimentaire et la très grande précision de leur chorégraphie.

 

 

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- Les Four Tops circa 1960 (Source : M.G) -

 

Il est facile de comprendre que cette grande qualité est le résultat d'un travail acharné.

Pour acquérir cette expérience, des heures de répétitions dans des clubs sont formateurs.

Une formation à la dure bien avant les sunlights et le prestige de la maison Tamla Motown de Berry Gordy.

Notons que le quartier de Black Bottom était un quartier "réservé" à Detroit.

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Un quartier "réservé" à la communauté Afro-américaine : d'ou ce nom justement de Black...

 •

Le quartier est très actif avec beaucoup de commerces et de nombreuses églises.

Black Bottom est un quartier vivant durant les années 1940/50, et 1960.

Bien avant que la crise, et la drogue détruisent ces quartiers pour en faire de véritables "ghettos"...

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 Triste processus, cercle vicieux que nous connaissons trop bien dans notre vieille Europe...

C'est dans ce bar que Nat Tarnopole fait une rencontre qui va changer sa vie pour toujours.

 •

En effet, lors de ses soirées au Flame Show Bar, il fait de nombreuses connaissances.

C'est à ce moment qu'il lie amitié avec Al Green.

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Al Green est déjà manager chez ATLANTIC Records.

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Il s'occupe spécifiquement de Lavern Baker et Johnny Ray.

 

Al Green est aussi le directeur de l'établissement Flame Show Bar depuis quelques années déjà.

Il gère l'établissement, tout en s'occupant des artistes engagés. 

 

 

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- Billy Ward and The Dominoes 1954 (Source : F.R) -

 

En fait Al Green fait souvent le "lien" entre les artistes débutants et les maisons de disques.

Al est un véritable "chasseur de tête" et un découvreur de talent.

 Il décide alors de prendre sous son aile ce petit jeune homme blanc plein de fougue et de passion pour la musique Afro-américaine.

Une musique encore victime de la ségrégation raciale.

C'est le début d'une très longue amitié.

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Une amitié qui va lui permettre d'entrer de plein pied dans le monde de la musique et des affaires.

 •

C'est aussi à cette époque que Al Green se rapproche de Jackie Wilson.

Jackie vient juste de quitter son groupe, Billy Ward and the Dominoes.

Il va alors se lancer à l'âge de 22 dans une carrière solo. Al Green décide de produire Jackie Wilson.

Pour appuyer son idée, il prévient ses différents contacts pour mettre en marche son projet.

 

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Mais, face à la réponse tardive venant d'ATLANTIC Records à New York City il change son fusil d'épaule ! 

En fait, c'est Bob Theile, un des principaux manager de DECCA Records, qui réussit à emporter la signature de Jackie Wilson.

Le contrat est signé par Nat Tarnopole dans la Big Apple.

 Cette fois, le contrat est directement signé par le biais de Nat Tarnopole.

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Il devient ainsi l'unique producteur de Jackie, en apprenant que All Green vient de décéder d'une foudroyante crise cardiaque !

 •

C'est à ce moment là que Nat Tarnopole fait valoir tous son charisme pour remporter ce contrat essentiel pour lui. Des qualités acquises dans la rue par Nat.

Car malgré un cursus d'études inexistant, il réussit sa carrière de producteur.

Il devient une personnalité incontournable et influente dans le monde de la musique Afro-américaine.

 


Jackie_Wilson_1961.jpg - Jackie Wilson à 25 ans  (Source : B.R) -

 

 

BRUNSWICK Records : une veille histoire



Avant sa rencontre avec Nat Tarnopole, BRUNSWICK est déjà un label avec une longue histoire.

 Le label BRUNSWICK est en effet fondé très tôt,  c'est une des premières maison de disques au début du siècle dernier.

BRUNSWICK est un véritable précurseur et inventeur de l'industrie du disque.

 •

Le label est fondée exactement en 1916, par la "Brunswick- Balke-Collender Company".

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c'est une entreprise est basée à
Dubuque dans l'Iowa.

Elle produit principalement des pianos, puis des phonographes (exclusivement dédiés aux 78 tours) à partir de 1919.

Cette activité de vente de phonographe explique son lancement dans l'aventure des premiers disques vinyles 78 Tours.

Lors de ses premières années d'existence le label connait deux périodes spécifiques.

 

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- CBS 1938 (Source : D.D) - 

 

Une première période, en 1916 avec sa création et l'arrivée de Warner Brothers Records.

• 

 Puis, plus tard, en 1939, lorsque la compagnie COLUMBIA Broadcasting System Company rachète le label dans son ensemble.

COLUMBIA Records a de grandes ambitions pour conquérir et dominer le marché du disque vinyle.

Un marché justement en plein développement durant les années 1950.

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Ce rachat va favoriser sa transformation en un label spécialisé.

Un label dédié au rythm'n'Blues, partie qui nous intéresse justement le plus.

A cette époque, BRUNSWICK n'est encore qu'un petit label.

C'est une "subdivision" de la plus grande et riche compagnie DECCA Records.

 

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 - Encart Publicitaire 1928 (Source : S@DS) -

 

Cette importante maison de disques ne veut pas "abîmer" son image en produisant des artistes Afro-américains !

Le rhythm'n'Blues est une musique encore trop sulfureuse à l'époque !..

 •

 N'oublions pas que la ségrégation raciale n'est pas finie !

L'industrie du disque reste très marquée par cette séparation raciale matérialisée par la Race Music.

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C'est après le contact engagé entre DECCA Records et Nat Tarnopole que Jackie Wilson réussit à faire produire.

Il peut enfin faire graver son premier single en solo sur le label BRUNSWICK.

 "Reet Petite" est enregistré dans le studio situé Pythian Temple à New York City.

En quelques semaines le morceau rencontre un tel succès qu'il entre directement dans le BillBoard Pop Chart en 1957 !

 

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 - Logo BillBoard 1958 (Source : B.B) - 

 

C'est même Berry Gordy, accompagné par Billy Davis, qui écrit le morceau.

Les "demos" sont directement envoyées à New York City auprès du label ATLANTIC.

Ce rapide succès de Jackie Wilson persuade justement DECCA Records de lui consacrer son petit label.

 •

Toutes les futures productions de leur tout nouveau, et très prometteur, poulain, seront enregistrés chez BRUNSWICK.

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Les dirigeants de DECCA ne vont en effet pas regretter leur décision.

 Jackie va enchaîner les succès pour le label BRUNSWICK.

Il classe pas moins de 11 titres dans les meilleurs places des charts.

Il rivalise alors avec les meilleurs ventes du marché, malgré son jeune age et sa nouvelle venue dans le BillBoard

 

  jackie wilson.jpeg - (Source : 75 M.N.S) -

   

Des succès grandissants...

 

Avec des morceaux comme "Lonely Teardrops", "To be loved" ou encore "Doggin'Around", il permet au label d'acquérir la reconnaissance.

Le label va enfin, et indiscutablement, faire sa place dans le Showbizness naissant.

C'est toute une économie prometteuse autour des nombreuses et nouvelles maisons de disques.

C'est précisément durant cette période que Jackie Wilson devient une star.

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Jackie Wilson est peut être le premier artiste Afro-américain à séduire autant le public "blanc".

Il permet ainsi au Rhythm'n'Blues de devenir populaire, et de ce fait sortir du "ghetto musical".

Un "ghetto musical" dans lequel il est malheureusement enfermé depuis ses débuts.

Jackie Wilson est alors vraiment extrêmement populaire.

 

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Cela lui permet de participer au Ed Sullivan Show, passage incontournable pour toute nouvelle star aux Etats-Unis.

 Il va aussi se produire plusieurs fois au prestigieux club Copacabana à New York City.

Mais, malgré cette réussite incontestable du meilleur poulain de BRUNSWICK Records, quelque chose ne va pas...

En effet, les rapports de Nat Tarnopole avec DECCA , sa maison mère, se dégradent.

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Nat Tarnopol est clairement insatisfait du traitement réservé à son petit label.

D'une part, il estime que le label DECCA ne lui consacre pas assez d'argent pour la promotion.

De plus, il estime que le nombre de singles proposés sur le marché ne sont pas assez nombreux.

Idée qui se confirme souvent avec des ruptures de stock provoquées par les succès de Jackie Wilson.

 

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- (Source : D.R) -

 

Decca décide alors de remanier le label en lui donnant plus d'indépendance.

Decca  nomme directement Vice Président Nat Tarnopole.

 La maison mère ne voulait pas perdre son producteur préféré !

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La compagnie Decca connait parfaitement son talent et sa valeur.

Avec cette décision DECCA, le décideur, donne les moyens à Nat de pouvoir faire jeu égal avec les nombreux labels.

Des labels de Rhythm'n'Blues en pleine effervescence durant la toute fin des années 1950.

  

 

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 - (Source : B.R) -

 

Durant l'année 1961 un drame à faillit coûter la carrière à Jackie Wilson.

Cet événement dramatique va obliger Nat Tarnopole à user de toute de les ruses pour tirer son poulain d'un très mauvais pas.

 C'est une petite amie très jalouse, Juanita Jones, qui provoque le scandale.

Elle tire sur Jackie Wilson avec un pistolet quand il rentre dans son appartement de Manhattan, à New York City.

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Jackie Wilson est accompagné ce soir là de sa future épouse Harlean Harris.

Par miracle, cette dernière n'est heureusement pas blessée.

Par contre, lui même reçoit deux balles qui le blesse gravement, même si il va vite se rétablir.

Nat Tarnopole va alors réussir à faire croire que Jackie Wilson c'est blessé en essayant d'empêcher un fan de se suicider.

 

 

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- (Source : B.R) -

 

Nat Tarnopol sauve ainsi la carrière du chanteur.

Une carrière qui n'aurait pas résisté à un scandale sexuel.

 

Nat Tarnopole va s'atteler, après ce dramatique événement, à produire les nombreux artistes qui rejoignent le label.

Mais, il consacre, en fait, la plupart de son temps a s'occuper de Jackie Wilson.

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Car, Jackie reste la seule véritable locomotive du label.

Pourtant, de nouveaux artistes rejoignent l'écurie BRUNSWICK.

Des artistes comme Big Maybelle, Little Richard, Lavern Baker ou encore Isaac Hayes.

Ils sont accompagnés de tant d'autres, qui voient dans ce nouveau label un moyen de rencontrer le succès.

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A ce stade de l'article, il me semble important de souligner que le but n'est pas de faire une discographie complète du label BRUNSWICK.

En fait, toutes les pages du "Cercle Modernist" n'auraient pas suffit pour l'aborder totalement, même si nous apprécions certaines productions en particulier.

Dans cette optique, vous pouvez d'ailleurs, comme d'habitude maintenant, apporter des informations complémentaires dans la partie "Commentaire" située en fin de page.

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L'année 1966 est un tournant dans la collaboration entre Nat Tarnopole et Jackie Wilson.

Ils rencontrent Carl Davis, producteur chez OKEH Records, par le biais de la maison mère COLUMBIA Records.

Ils se rencontrent plus précisément à New York City, lors d'une convention de Disc Jockey (!).

 

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Ils décident alors de collaborer ensemble.

Ils vont s'occuper de la suite prometteuse de la carrière de  Jackie Wilson.

 

Cette collaboration est très vite extrêmement fructueuse.

"Whispers (Getting louder)", produit par Carl Davisdevient rapidement un crack des "Charts".

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Nat Tarnopole décide de donner des responsabilités à Davis après cette formidable réussite.

Il le propulse directement au poste de nouveau Vice-Président du label BRUNSWICK.

Cette très proche  collaboration entre les deux hommes va également se matérialiser directement.

Ils aménagement les locaux des deux maisons de disques dans le même immeuble, et ils deviennent copropriétaires.

  

 

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-  Little Richard (Source : B.R ) -  

 

 

1967 : Un nouveau départ



En 1967, les deux associés décident de changer de locaux des studios BRUNSWICK.

Les locaux sont en effet devenus trop exigus pour absorber le rythme de travail.

La croissance exponentielle du label augmente constamment.

Ils vont bénéficier d'un concours de circonstance.

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Un coup de pouce providentiel du destin providentiel.

Ce destin providentiel apparaît sous la forme d'une belle opportunité avec le label VEE-JAY.

Le label est accablé de dettes qu'il ne peut honorer.

Il est donc obligé de vendre rapidement ses studios d'enregistrement.

 

 

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 - L'immeuble des Studios VEE-JAY et BRUNSWICK sur Michigan Avenue à Chicago (Source : C.J) -

 

 

Les studios sont situés dans un petit immeuble au 1449 South Michigan Avenue dans la ville de Chicago.

Le label BRUNSWICK saute sur l'occasion pour enfin trouver des locaux à la mesure de son succès.

Avec le rachat d'une partie de l'immeuble de South Michigan Avenue, c'est une nouvelle étape qui commence.

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Une nouvelle ère de réussite qui s'ouvre pour Nat Tarnopole et BRUNSWICK Records.

Mais, nous arrêterons là pour l'instant cette histoire passionnante...

En attendant d'aborder la suite très prochainement, avec la "Seconde Partie" de votre article " The BRUNSWICK Record Company Historia"...

 

Alexandre Saillide-Ulysse.

 

75 M.N.S 


Sources

 

- Jacques Barsamian et François Jouffa "Encyclopédie (de la) Black Music", éditions Michel Lafon, Paris, 1994.

- Phyl Garland "The Sound of Soul", éditions Buchet-Chastel, Paris, 1972.

-"The Soul of The 6t's", Brunswick Records @

- Sebastien Danchin, "Encyclopédie du Rhythm'n'Blues et de la Soul", Fayard, Paris, 2002.

- Soul@Source

 

 



13/11/2015
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