Le Cercle Modernist

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Lee Morgan Monsieur Hard Bop

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- lee Morgan en 1966 (Source : B.N.R) -

 

"Tuba Jazz Maestro"  

 

Nous avons vu, précédemment dans "Le Cercle Modernist",  la vie et l'oeuvre du Jazzmen Lou Donaldson,

maintenant, c'est à une autre grande figure du Jazz que nous allons nous intéresser.

Avec Lee Morgan, nous nous penchons sur une figure réellement incontournable dans l'histoire de cette musique Afro-Américaine.

Un Jazzmen d'exception, une véritable icone au sein de la scène Modernist.

Car, Lee Morgan bénéficie , en effet, d'une aura toute particulière pour les amateurs du sur-mesure,

c'est peut être, même, le musicien de Jazz le plus apprécié par les différentes générations du monde Modernist !  

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 L'oeuvre de Lee Morgan nous permet de mieux comprendre les raisons d'un tel engouement.

Comme de nombreux personnages emblématiques particulièrement apprécié par notre culture,

il meurt très jeune en laissant derrière lui une immense carrière et un étrange parfum de mystères.

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La qualité et l'envergure (25 albums)  de son oeuvre vont marquer et surtout transformer à jamais le Jazz.

Malgré sa très courte existence, il meurt à 33 ans (!), il nous laisse une masse incroyable d'enregistrements,

avec des morceaux qui sont désormais devenus des standards totalement incontournables.

 

 - Référence musicale 1 (en bas d'article) -

 

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- Philadelphie  circa 1960 (Source : SKL.P) -

 

 

Edward Lee Morgan est née le 10 Juillet 1938 à Philadelphie, dans l'Etat de Pennsylvanie aux Etats-Unis.

 

Philadelphie est une des grandes villes de la côte Atlantique américaine, elle possède d'ailleurs depuis toujours un des plus importants port des Etats-Unis.

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La ville est surtout la capitale historique et culturelle : foyer de la philosophie des Lumières, et siège provisoire de la jeune démocratie américaine aux XVIIIe siècle.

 

Durant ces années d'avant guerre, Philadelphie est une grande métropole en croissance qui accueille des centaines de milliers de migrants.

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La période du son de Philadelphie, le "Philly Sound" avec ses arrangements sophistiqués est encore bien loin ;

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La ville est durant cette période un des grands foyers du Jazz aux Etats-Unis, spécialement durant les années 1920 (celle de la Race Music).

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C'est surtout avec l'arrivée des nouvelles populations Afro-Américaines, avant et après la seconde Guerre Mondiale, que la situation change.

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L'héritage de la ville de Philadelphie va être immense dans l'ère du BeBop, ses clubs vont être une des bases de cette vague novatrice pour le Jazz.

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Nous avons choisi de nous intéresser tout spécialement à Edward Lee Morgan, le nombre de Jazzmen originaire de cette ville est tout simplement hallucinant : 

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John Coltrane, Clifford Brown, Ray Briant, Jimmy Smith, Hank Mobley, Bobby Timons..... 

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Notons d'ailleurs que l'héritage musical de la ville de Philadelphie est bien plus large puisqu'elle est aussi le foyer de la musique classique,

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avec le très fameux Philadelphia Orchestra, du Gospel, et même de la musique traditionnelle d'Irlande !...

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Tout récemment, la ville va donner au monde du cinéma l'acteur Will Smith,  une de ses nouvelles stars Afro-Américaines.

 

Mais, maintenant, revenons à cette année 1938 qui nous intéresse tout particulièrement.

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Edward Lee Morgan est le plus jeune fils des quatre enfants des jeunes mariés Otto Ricardo et Nettie Beatrice.

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Lee Morgan va en effet grandir dans un environnement familial bienveillant et sécurisant, situation assez rare pour être soulignée.

 

 

 - Référence musicale 2 (Source : J.M) -

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 - Lee Morgan circa 1959 (Source : LKC) -

 

 

De plus, toute sa famille pratique la musique : c'est d'ailleurs sa grande soeur qui va lui offrir sa première trompette à 13 ans.

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Edward Lee Morgan s'initie donc très tôt à la musique, il va faire ses "premiers pas" auprès de Clifford Brown.

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Clifford Brown (1930-1956), surnommé "Brownie", est une véritable étoile filante de la planète Jazz.

 

Dés son plus jeune âge il fréquente assidûment la ville de Philadelphie, une ville qu'il va marquer de son empreinte de trompettiste virtuose.

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Clifford Brown va décéder à l'âge de 25 ans après un dramatique accident de voiture.

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Mais, malgré cette très courte carrière, il va fortement influencer toute une génération de trompettiste de Jazz,

 

dont Lee Morgan et Donal Bird sont parmi les plus illustres représentants.

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Lee Morgan va donc passer la fin de son adolescence en faisant son "apprentissage" auprès de Clifford Brown.

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C'est à l'âge de 18 ans qu'il rejoint le fameux Big Band de Dizzie Gillepsie.

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Nous sommes en 1956, Dizzy Gillepsie est déjà considéré comme un des plus illustres Jazzmen :

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il est surnommé cette même année "The Ambassador of Jazz", après avoir effectué une tournée triomphale dans le Middle East américain.

 

Même si Lee Morgan ne reste pas plus de 24 mois à jouer pour le Big Band de Dizzy Gillepsie,

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ce dernier est obligé de dissoudre sa formation face aux difficultés économiques qu'il rencontre,

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cette période va permettre au jeune trompettiste d'engranger un maximum d'expérience grâce à un rythme très important de concerts.

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Mais, c'est aussi durant cette période, que Lee Morgan intègre la maison Blue Note, un événement qui va marquer le départ d'une longue et fidèle collaboration.

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Car, tout en jouant pour le Big Band de Dizzie, Lee Morgan va enregistrer son premier album pour le fameux et illustre label de Jazz.

 

 

 - Référence musicale 3 (en bas d'article) -

 

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- 1er Lp BLUE NOTE (1538) de Lee Morgan en 1956  (Source : 75 M.N.S) -

 

 

Il est impossible d'évoquer la vie et l'exceptionnelle carrière de Lee Morgan sans aborder le label Blue Note,

label mythique avec qui il va enregistrer la plus grande partie de son oeuvre musicale.

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Blue Note Records est déjà, en 1956 donc, un label spécialisé de renommée internationale et spécialisé en Jazz.

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Depuis sa création, en 1939, le label Blue Note est volontairement dédié à la musique Jazz :

jusqu'en 1947 le label produit d'abord des 78 tours de Jazz Trad et du Swing.

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C'est à partir des années 1940 que le label commence à plus s'intéresser aux artistes de Modern Jazz,

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puis, petit à petit, il va devenir la véritable ruche du son BeBop avec, entre autres, Thelonious Monk.

 

Cette "activisme discographique" pour le Jazz est insufflé par les deux principaux fondateurs du label :

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Alfred Lions et Max Margulis, qui vont être rejoints, un peu plus tard, par Francis Wolf.

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Alfred Lions est un immigré Allemand, fuyant le nazisme en pleine ascension comme des millions de persécutés,

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il tombe amoureux du Jazz durant son enfance, à Berlin, avant d'arriver à New York City en 1937.

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Très vite après son arrivée sur le sol des Etats-Unis, juste deux petites années après donc, il fonde Blue Note Records avec Max Margulis.

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Max Margulis est un artiste et musicien aux multiples talents : écrivain, professeur de chant, producteur et photographe (!),

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c'est un activiste politique et social progressiste, il écrit dans le journal "Daily Worker" sous le pseudonyme de "Martin Mc Call".

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Max Margulis à une certaine influence dans le milieu intellectuel et artistique de la Big Aplle,

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son association avec Alfred Lions pour mettre en route le label Blue Note, en 1939, fait partie de cette démarche progressiste,

 

n'oublions pas que le monde est, en 1939, sous la pression des régimes totalitaires et aux premières heures de la Seconde Guerre Mondiale.

En fait, Lee Morgan avait assuré ses arrières : il collabore d'abord avec Jimmy Smith ("The Sermon" en 1958 , précédé par "House Party" une année auparavant, en 1957).

il commence à jouer pour Art Blakey (1919-1990) et rejoint, cette même année, son groupe des Jazz Messenger, groupe créée 10 ans auparavant.

C'est une nouvelle et fructueuse collaboration qui débute alors, avec de nombreux albums et quelques importants succès, dont le fameux morceau "Moanin".

 

 

 - Référence musicale 4 (en bas d'article) -

 

lee et art.jpg- Art Blackey et Lee Morgan en 1960 (Source : J.M) -

 

 

Lee Morgan va participer un certain temps à l'aventure des Art Blakey's Jazz Messenger,

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il faire partie d'un des plus beaux ensemble de la formation avec Wayne Shorter, Jimmy Timmons et Jimmy Merrit.

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N'oublions pas que la formation de Art Blakey va avoir des musiciens différents durant ces longues années d'existence.

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Pour Lee Morgan, c'est son addiction aux drogues dures qui va l'empêcher de continuer sa route avec les Jazz Messenger,

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Lee est en effet accro aux drogues dures (héroïne), ironiquement c'est sûrement à cause de Art Blakey, qui va l'initier à cette pratique, qu'il doit partir !..

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Lee Morgan retourne alors à Philadelphie quelques temps pour se ressourcer, sa carrière marque alors un court temps d'arrêt entre 1961 et 1962.

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Il va d'ailleurs choisir une autre compagnie, Jazzland Records, subdivision de la compagnie de Riverside Records spécialisée, elle aussi, dans le Jazz.

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En "sortant" l'album "Take Twelve" sur Riverside Records, Lee voulait surement se rassurer avant de revenir à la maison, chez Blue Note Records...

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L'année d'après, en 1963, Lee Morgan revient donc chez Blue Note Records pour y enregistrer son plus mémorable succès personnel.

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Cette année 1963 voit, en effet, la sortie de son album "Sidewinder", un album qui reste incontestablement gravé dans toute les mémoires.

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De plus, "Sidewinder" est un album véritablement "iconique", depuis les origines, au sein de la scène Modernist :

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le morceau, lui même, fait, sans aucun doute, partie des standards de Jazz les plus joués et connus dans les clubs.

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Commercialement, le titre est le plus grand succès du label et il culmine aux meilleures places dans les charts, en 1964,

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il est même choisit par la marque automobile Chrysler pour d'une publicité diffusée lors des fameux Wold Series,

 

la finale annuelle de la ligue professionnelle de Baseball (Major League Baseball Championship) véritable institution aux Etats-Unis.

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Le succès de ce morceau va avoir de nombreuses répercussions, le label Blue Note ne pourra plus se passer de Lee Morgan.

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Comme souvent à l'époque, les labels exploitent au maximum leurs succès : Lee devient vite une des principales "vitrines" de Blue Note.


Le succès va même pousser le label à demander aux artistes de son catalogue de "coller" au son Jazz Boogaloo de Lee Morgan.

En plus, la renommée du trompettiste augmente lorsqu'il sort, dés 1964, son nouvel album "Search For The New Land",

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il est classé dans les premières places des charts R'n'B (!!), Lee séduit un public beaucoup plus large que celui des passionnés de Jazz !

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Il retrouve cette même année les Jazz Messengers avec John Gimore, après le départ de l'immense Freddie Hubard.

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Entre 1963, avec la sortie de "Sidewinder", et 1968, avec l'album "Caramba", Lee Morgan sort pas moins de 16 (!!!) albums  Blue Note.

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Tous ces albums sont truffés de pépites de Jazz, des morceaux souvent très dansants dans le plus pur style de Lee Morgan.

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Tout en continuant cette prolifique carrière avec Blue Note Records, Lee Morgan va multiplier les différentes collaborations.

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Parmi ces collaborations, son travail avec Wayne Shorter ("Night Dreamer") et Freddie Hubbard rencontre un important succès.

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Ses enregistrements avec Joe Henderson sont particulièrement raffinés et exceptionnels, comme avec le morceau "Mood For Joe".

 

A partir des années 1968, quelques années avant son décès, Lee Morgan est de plus en plus impliqué par l'action politique progressiste.

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C'est à ce moment là qu'il devient un des leaders charismatiques du mouvement Jazz and People :

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c'est clairement le Hard Bop qui va être précurseur dans sa démarche et son engagement politique.

Le Hard Bop est avant tout un mouvement de reconnaissance de leurs origines par les Noirs Afro-Américains.

Un des leitmotiv du mouvement Hard Bop est "Black is Beautiful" : c'est avant tout une véritable révolte musicale contre le Cool Jazz.

Le Cool Jazz est un mouvement largement dominé par les blancs du Jazz West Coastinitié par Miles Davis en 1949.

 

 

 - Référence musicale 5 (en bas d'article) -

 

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 - LP Lee Morgan et Joe Henderson en 1966 (Source : 75 M.N.S®) -

 

 

Il se développe plus tard avec des musiciens comme Gerry Mulligan et des groupes comme le Modern Jazz Quartet.

Le terme Cool Jazz n'est pas en fait un style précis, il englobe différentes approches qui cherchent toutes plus de "calme"dans le rythme.

En effet, après l'accélération du rythme et la frénésie provoquée par la période BeBop, dans les années 1940 et 1950,

certains musiciens vont rechercher de nouveaux rythmes plus apaisants et détendus, expliquant de ce fait le terme "Coll Jazz"...

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Ce refus du West Coast Jazz est donc fortement motivé par le rejet des valeurs de l' "establishment" véhiculé par ce "Jazz de salon".

C'est en travaillant avec la formation de Art Blakey et de ses Jazz Messengers que Lee Morgan découvre cette nouvelle façon de jouer.

La formation de Art Blakey est considérée comme le premier représentant du Hard Bop en 1955, avec Sonny Rollins un peu plus tard, en 1957.

Blue Note Records et Prestige Records vont être les principaux labels produisant du Har Bop Jazz durant les années 1960.

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Lee Morgan représente lui aussi parfaitement ce son typiquement Hard Bop caractéristique à Blue Note.

La composition musicale de ses morceaux et son type de formation est propre au Hard Bop :

saxophone, piano, contrebasse, batterie.... un ensemble accompagné par sa trompette.

Certains critiques musicaux vont même définir son style de Soul Jazz,

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une nouvelle définition illustrant l'introduction dans le Hard Bop de Blues, Rhythm'n'Blues ou Gospel.

 

La liberté laissée aux musiciens de Hard Bop lors des solos, et la présence d'un thème central, va faciliter ce passage vers le Rhythm''n'Blues.

Ce style particulièrement rythmé, "Groove", à toujours eu la préférence de la scène Modernist.

De très nombreux morceaux de Lee sont de véritables classiques qui ont fait "exploser" les plus prestigieux "Dance Floor" !

 

 

- Référence musicale 6 (en bas d'article) - 

 

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 - LP Blue Note de Lee Morgan en 1966 (Source : 75 M.N.S®) -

 

 

C'est son addiction à la drogue dure qui va pousser inexorablement Lee Morgan vers la "grande faucheuse" très jeune, à 33 ans donc.

Même si c'est directement sa propre femme qui l'abat avec son propre pistolet, après l'avoir découvert dans le lit avec une autre femme,

Lee Morgan est justement toujours armé car il évolue dans ce milieu de la drogue terriblement violent et dangereux, de plus il était en conflit avec son dealer.

D'ailleurs, le soir de son meurtre, il avait prévu d'avoir une énième altercation avec ce même dealer, ce qui explique la présence de l'arme.

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Avec la disparition de Lee Morgan, c'est toute une période qui s'évanouie dans le temps, une période primordiale pour toute la musique du XXe siècle.

L'apport de ce génial trompettiste et immense Jazzmen  est considérable : il reste le plus illustre et mythique représentant du courant Hard Bop.

Un courant qui va être un élément musical fondateur pour notre culture Modernist à la toute fin des années 1950.

Lee Morgan est à jamais dans nos coeurs, et dans les plus hautes places du Panthéon Modernist.

 

Alexandre Saillide-Ulysse.

75 M.N.S ®


 

Sources :

- J.S Mc Millian "Delight Full Lee : The life and music of Lee Morgan",  Editions University Of Michigan Press, 2008.

- Sylvain Siclier "Blue Note fête 70 ans au service du Jazz" - Article du journal LE MONDE du 7 avril 2009.

 - Gérard Montarlot "Le Jazz et ses musiciens" - Editions Hachette, Paris, 1963.

 - Noël Balen "L'odyssée du Jazz" - Editions Liana Levi, Paris, 2003

  

Références musicales :

 

- Sélection 1 : Clifford Brown (with Lee Morgan) "Laura" - Emarcy Records (3665) - 1955

 

- Sélection 2 : Dizzy Gillepsie & Lee Morgan "Birk's Work" - Verve Records - 1957

 

- Sélection 3 : Lee Morgan "Gaza Strip" - Blue Note Records (1358) - 1956

 

- Sélection 4 : Art Blakey & The Jazz Messengers (Lee Morgan)  "A night in Tunisia" - UA (325) 1958

 

- Sélection 5 : Joe Henderson (Lee Morgan) "Mode For Joe" - BLUE NOTE (84227) - 1966

 

- Sélection 6 : Lee Morgan "Can-Le-So" - BLUE NOTE (84243) - 1966



17/03/2016
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