Le Cercle Modernist

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Madame Joséphine Baker

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- Madame Joséphine Baker à Paris circa 1935 (Source : JTM ) -

 

Freda Joséphine McDonald, plus connue sous le nom de madame Joséphine Baker (1906 – 1975) est incontestablement une des plus immense chanteuse, danseuse, actrice et meneuse de revue du XXe siècle. Grande militante et membre de la Résistance Française durant la Seconde Guerre Mondiale, elle va s'engager avec toute ses forces et sa conviction dans une lutte totale contre le racisme et l'intolérance.

Joséphine Baker va indiscutablement marquer de son empreinte éternelle l'ensemble de la culture, et de la musique contemporaine. Cette femme d'exception représente pour la culture Modernist en France l'authentique quintessence de l'engagement, et une personnalité culturellement fondatrice. Sa trépidante vie restera à jamais un exemple essentiel d'excellence à suivre pour les jeunes et futures générations.

 

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Le long cours de sa vie illustre le puissant lien qui va unir les Noirs Afro-Américains à la terre de France. Un fort lien débuté dés la fin de la Première Guerre Mondiale avec l'engagement des valeureux soldats Afro-Américains en Europe. La France va se révéler comme une véritable "terre promise" pour cette communauté Noire victime de la terrible et injuste ségrégation raciale dans son pays d'origine, les Etats-Unis d'Amérique.

Cette approche, abordant la trépidante vie et la carrière artistique de madame Joséphine Baker, même si elle n'a pas la prétention d'être exhaustive, a pour objectif de souligner son éminente place au sein du Pantheon Modernist Français et justement son entrée officiel, le 30 novembre 2021, au Panthéon à Paris, le monument honorant les grands personnages de la France. Car l'empreinte laissée par Dame Joséphine Baker, reste pour nous Mods du 75 M.N.S® un véritable modèle qui fait à la France

 

Référence musicale (en bas d'article) -

 

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 - Photo signée par Joséphine Baker (Source : SB/JB) -

 

Joséphine Baker (1906-1975)

"Une Jeune Fille Surdouée"

 

Freda Joséphine McDonald, alias Joséphine Baker, va naître le 3 juin 1906 dans la grande ville de Saint Louis, située à l'ouest du Mississippi dans l'état du Midwest des Etats-Unis, le Missouri. Les origines de la future grande vedette sont très diverses, ses ramifications familiales sont effectivement hétérogènes : Espagnole, Afro-Américaine, et également Amérindienne.

Elle voit le jour dans une famille de pauvres Noirs qui essayent de s'en sortir par tous les moyens malgré la ségrégation. Son enfance douloureuse dans une ville marquée par les ségrégations raciales sera le départ d’un combat permanent pour la vie. Ce mélange culturel reflétant la riche histoire des différentes populations installées dans l'état du Missouri, découverte et explorée la première fois par des Français venant du Canada, plus exactement de Nouvelle France.

A ce propos, vous trouverez très prochainement dans la rubrique "Race Music / Blues" du "Cercle Modernist", l'article "Zydeco : Le Blues Français de Louisiane" justement entièrement consacré a cette ancienne contrée de la France de l'Ancien Régime qui va donner à la musique Afro/Américaine un style de Blues bien spécifique : le Zydeco Blues. Une part importante et primordiale de la culture Modernist, proprement spécifique aux racines et influences portée par les Mods de la ville de Paris.

 

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En 1906, l'année de naissance de Joséphine Baker, Theodore Roosevelt est président des Etats-Unis depuis 1901. La présidence de Roosevelt va être très longue, et va durer sept années jusqu'en 1909. Cette même année 1906 est aussi marquée par le terrible tremblement de terre, d'une magnitude de 8,5 sur 10, qui touche la ville de San Francisco et sa région. Un tremblement de terre qui va traumatiser la population et faire fuir un certain nombre dans d'autres états plus calmes.

Les Etats-Unis sont en pleine croissance économique, comme l'ensemble du monde Occidental. Le pays se transforme, avec plus de 1 million 200 000 de nouvelles entrées sur son territoire, cette immigration est issue d'origine très diverses et bat tous les records. Parmi ces déracinés, la mère de Joséphine Freda, Joséphine McDonald n'est pas une exception. Freda descendrait vraisemblablement d'Eddie Carson, un musicien de rue itinérant aux origines espagnoles.

Les parents de Joséphine sont des artistes, comme beaucoup d'immigrés Afro-Américains qui ont monté un numéro de chant et de danse. Mais la vie familiale de la jeune fille va être bouleversée. Malheureusement, comme beaucoup de pères à cette époque, Eddie Carson va abandonner sa famille en 1907. Mais, Freda ne se laisse pas abattre, et elle va rapidement se remarier avec Martin, dont Joséphine va justement prendre le nom. 

 

- Référence musicale (en bas d'article) -

 

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 - Joséphine Baker enfant (SourceFI/JB) -

 

Comme beaucoup de jeunes et pauvres Afro-Américains, Joséphine va passer une partie de son enfance à alterner l'école et les travaux domestiques, Des travaux ingrats et épuisants dans les domiciles de familles fortunées qui lui permettent d'aider financièrement sa mère. Malgré cette vie harassante, Joséphine Baker est une enfant pleine de vie qui a besoin de se dépenser.

Dès l’âge de 8 ou 9 ans, elle crée des spectacles de danse, c'est durant ces premières années d'enfance qu'elle apprend la danse "en caoutchouc" très en vogue parmi les danseurs de JazzÀ l'âge de 12 ans, elle propose ses services de danseuse au Booker T. Washington Theatre de la ville de Saint Louis. Mais, trouvant Joséphine bien trop jeune, le directeur du théâtre lui offre plutôt un poste d’habilleuse.

Pour occuper sa jeune fille, sa mère l’initie à la danse et décide de l'inscrire a des cours. Un art de la danse dont la jeune fille devient immédiatement férue et passionnée. Son engagement dans cet art est total dès son tout jeune âge.  En 1920, Joséphine rejoint un trio d’artistes de rue en vogue, le Jones Family Band. Cette même année 1920Joséphine, alors âgée de 14ans, quitte l'école en février pour se marier.

 

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Comme le mentionnent les registres de l'établissement public qu'elle fréquente à St-LouisJoséphine Baker va épouser Willie Wells avec qui elle s'installe très vite. Mais, mariée trop jeune et vite, ce tout premier mariage de l'adolescente ne dure pas longtemps. Effectivement, en 1921, après avoir mis fin à sa courte expérience avec Willie Wells, Joséphine Baker décide de se marier une nouvelle fois malgré ses premiers déboires maritaux.

Joséphine va ainsi épouser un autre Willie, en l'occurrence monsieur Willie Baker avec qui elle s’installe aussi rapidement dans la ville de PhiladelphieLa très jeune fille est déjà consciente de ses charmes. Joséphine Baker va d'abord subvenir a ses besoins en dansant au Standard Theater, puis elle va enfin obtenir un contrat plus avantageux au Gibson Theater de Philadelphie avec les Dixie Steppersse.

Désormais reconnue comme véritable danseuse malgré son très jeune âge, elle va participer durant deux années à la longue tournée de la comédie musicale "Shuffle Along", tout en décrochant d'autres contrats pour danser dans d’autres spectacles. C'est durant cette période d'apprentissage laborieux que Joséphine Baker va faire une rencontre, qui s'avérera primordiale, avec Noble Sissle.

 

- Référence musicale 3 (en bas d'article) -

 

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- Joséphine Baker à l'âge de 16 ans en 1922 (Source : LM) - 

  

Monsieur Noble Sissle est un homme très connu durant cette époque, c'est l'un des créateurs de "Shuffle Along", la grande comédie musicale de l'époque, composée et interprétée par des Noirs. Noble Sissle est tout de suite très intéressé par le talent de Josephine, c'est une véritable révélation et il flaire la future grande vedette, mais son âge le fit reculer car elle avait à peine quinze ans. Mais, nous allons voir, que le destin va permettre à Noble de se rattraper quelque temps plus tard ..

Déçue par cette expérience et la frilosité ambiante face à son jeune âge, Joséphine Baker décida de tenter sa chance dans une plus grand ville. Elle choisit donc la Big Apple, New York City l'immense mégalopole située sur la côte Est des Etats-Unis d'AmériqueA New York, elle se fit à nouveau engager mais au titre d'habilleuse, pour la revue "Shuffle Along". Le fabuleux destin de Joséphine Baker était donc totalement et irrémédiablement incontournable,

Nobble Sissle retrouvait ainsi cette jeune artiste qui l'avait littéralement ébloui et charmé. Joséphine Baker apprit alors tous les de types chants, toutes les danses, et lorsqu'une des danseuses tomba malade, ce fut enfin son tour et elle la remplaça. Grâce a son charisme et son caractère jovial, et un travail assidu, Joséphine Baker s'intégra rapidement au sein de la troupe La jeune femme avait enfin l'occasion de prouver toute l'étendue de son immense talent au public.

 

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Sur scène, Joséphine Baker semblait totalement déchaînée  : tout en grimaçant, elle louchait et effectuait des prestations incroyables. Son charisme sur scène était déjà très impressionnant malgré son jeune âge. Joséphine Baker ne tarda pas à se faire connaître, devenant une attraction à elle toute seule, le public venait clairement pour admirer ses performances scéniques hors du commun.

Noble Sissle et Blake, les créateurs  du spectacle, prirent très vite conscience du potentiel énorme de Joséphine Baker. Les deux associés lui annoncèrent donc qu'elle intégrerait la troupe principale à l'été 1922 pour devenir une membre officiel de la troupe. Sissle et Blake firent de Joséphine leur véritable petite protégée particulière. Tout en lui enseignant les "ficelles " du métier, ils veillèrent affectueusement sur cette jeune fille délicieuse et génialement douée.

Pendant plus d'un an, la troupe de "Shuffle Along" tourna à travers les Etats-Unis, en enchainant les succès auprès d'un large public totalement conquis par la belle "Panthère Noire". Joséphine Baker était désormais reconnue comme artiste et gagnait bien sa vie. La renommée de la jeune artiste commençait a prendre de l'ampleur, et son personnage qui allait devenir légendaire prenait réellement forme.



Référence musicale (en bas d'article) -

 

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 - Noble Sisse (gauche) avec Joséphine Baker et Eudie Black en 1951 (Source : JTM) -

 

Joséphine Baker

à Paris



Parallèlement, en Europe et plus spécifiquement en France, par le biais de la diffusion de la musique Jazz Afro-Américaine, le public commence de plus en plus a s'intéresser a l'Art AfricainLes premiers objets d'art africain ont été découverts au XVe siècle par des explorateurs Portugais. Depuis, l'engouement de l'Occident pour ces œuvres mystérieuses n'a cessé de croître. Il a culminé, dans les années 1920, avec la mode de l' Art Nègre.

Il va falloir, effectivement, attendre la décolonisation pour entendre parler d'Art AfricainCet intérêt pour l'Art Africain va particulièrement s'illustrer lors de l'exposition d’art africain et d’art Océanien à la Galerie du théâtre Pigalle en 1930. Un événement international majeur pourtant mal accepté par une partie non négligeable du public en France, comme le prouvent les titres de certains journaux : "L’exposition d’art nègre et océanien au théâtre Pigalle (…) a irrité la pudeur de tous les gardiens

de la morale"

C'est dans ce contexte de l'apparition de l'Art dit Nègre, entre autres avec l'exposition au Musée des Arts Décoratif de Paris, que le directeur artistique du théâtre des Champs-Elysées (qui traversait une mauvaise passe) décida de présenter un spectacle entièrement exécuté par des Noirs. Finalement, c'est une amie très proche du directeur madame Caroline Dudley, une Américaine qui passait son temps à parcourir le monde, a qui est confié la tâche de recruter une troupe.

 

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Madame Caroline Dudley va voir de très nombreux artistes, dont Joséphine Baker qu'elle découvre avec stupeur et admiration. Les performances de Joséphine Baker sur scène vont littéralement époustoufler madame Dudley qui va ainsi faire son choix, et ce fut clairement Joséphine Baker qui s'avéra être LA grande découverte. Caroline Dudley va donc lui proposer de partir en France avec elle, totalement convaincue que Joséphine Baker a un potentiel énorme.

Néanmoins, convaincre les artistes Afro-Américains de partir à Paris et y vivre n'était pas une mince affaire car cela était un véritable déchirement similaire à un exil pour ces artistes. Il fallait quitter l'Amérique, quitter sa langue natale, et surtout quitter le monde Noir dans lequel ils avaient toujours vécu. Malgré la crainte de cette terre inconnue, Joséphine Baker décida tout de même qu'elle partirait en Europe. cela représentait pour la jeune artiste de ne pas limiter ses prestations au simple rôle de bouffon Noire à New York City aux Etats-Unis.

Tout en faisant signer Joséphine Baker dans la, troupe qu'elle recrutait, Caroline Dudley s'attela également a trouver un orchestre de Jazz de qualité. Son choix se fixa sur la formation de Jazz de Claude Hopkins.  Au final, cette nouvelle troupe recrutée par madame Dudley était composée de vingt-cinq artistes dont douze musiciens, parmi lesquels Sidney Bechet, huit chorus girls et surtout Joséphine. Les répétitions de l'orchestre et de la troupe de danseuses pouvaient commencer. Les costumes furent réalisés dans l'appartement de la soeur de Caroline Dudley, Dorothy Dudley.

 

Référence musicale 5 (en bas d'article) -

 

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- Joséphine Baker à Paris circa 1928 (Source : CCV) -

 

Après un long voyage débuté le 16 septembre 1925, a bord du bateau le "Berengaria", la troupe arriva à Cherbourg le 22 septembre 1925. En descendant du bateau, la troupe va continuer son périple en train pour arriver jusqu'à la Gare Saint-Lazare à Paris. Dès son arrivée, Joséphine Baker débute donc la préparation de la Revue Nègre au théâtre des Champs Elysées avec les 12 autres danseurs et un bel orchestre.

Joséphine Baker n'a pas encore le rôle principal de la revue, dont la vedette est encore Maud Forest, excellente chanteuse de Pre War Blues. Cependant, pendant les répétitions, André Daven le directeur artistique, va particulièrement remarquer Joséphine. Séduit, il va progressivement diminuer la participation de Maud Forest au profit de Joséphine Baker qui va ainsi s'imposer comme la vedette principale.

 

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Pour la petite histoire, la version officielle veut que, durant la première répétition, trouvant en Josephine Baker le corps exceptionnel qu'il recherchait, André Daven décida de faire d'elle le sujet  principal de l'affiche (splendide création de monsieur Paul Colin), il se permit même de l'inviter dans son atelier personnel. Dans l'affiche, Josephine apparait dans une robe blanche ajustée, entre deux hommes, l'un avec d'épaisses lèvres rouges, une image qui va devenir éternelle.

Toujours selon les différents témoignages, à partir du deuxième jour de répétition, les choses vont devenir plus sérieuses. Et, comme il faisait particulièrement très chaud à Paris et surtout dans le théâtre, les artistes montèrent sur le toit pour s'exercer et prendre des photos publicitaires. C'est ainsi que les voisins qui entendaient de la musique n'avaient qu'à se pencher à la fenêtre pour jouir du spectacle offert par Josephine Baker, en short, très court pour l'époque, et débardeur, dansant dans le soleil.

 

Référence musicale 6 (en bas d'article) -

 

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- Affiche de Paul Colin "Revue Nègre" en 1925 (Source : JTM) -

 

Vedette Parisienne 

 

La toute première représentation de la Revue Nègre eut lieu le 2 octobre 1925. La salle du théâtre des Champs-Elysées était vraiment pleine à craquer pour entendre l'orchestre de Claude Hopkins et admirer ses danseuses. Le tout Paris est venu admirer ce nouveau spectacle qui a bénéficié d'une large publicité. Anciens et nouveaux riches, hommes d'affaires et aristocrates, dandys et débauchés, tous se mêlaient les uns aux autres.

Lorsque Joséphine Baker fait son entrée devant ce nombreux public, elle est grimée en authentique clown. La danseuse va se dandiner langoureusement, en écartant et en pliant ses genoux, le corps totalement décontracté comme une poupée de chiffons. Quand Joséphine apparaît la toute première fois, elle porte une simple chemise complétement déchirée et un short en lambeaux. Et, lorsque l'orchestre commença a jouer le morceau "Yes, Sir, that's my Baby" Joséphine se mit à danser frénétiquement le Charleston très en vogue.

Le jeu de scène de Joséphine Baker est vraiment hallucinant : elle fait des grimaces, tout en louchant et en gonflant les joues. Sa prestation scénique était digne des plus grands gymnastes, elle fait le grand écart, en bougeant ses bras et ses jambes comme s'ils étaient désarticulés. Même quand elle sort de scène Joséphine est totalement inimitable quand elle se met à avancer à quatre pattes, les jambes totalement raides, le derrière plus haut que la tête !

 

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La Revue Nègre était constituée de différentes scènes, véritables tableaux, illustrant les différentes facettes de la vie des Noirs, comme par exemple dans le tableau dénommé "Rassemblement au camp de la Louisiane". Cette première représentation fut un grand succès, tout en choquant une partie du public peu habitué à voir ce type de spectacle mettant en avant des artistes Noirs Afro-AméricainsIrrités par le spectacle, certains spectateurs se mettent à siffler, et quelques uns quittent la salle.

La Revue Nègre était incontestablement devenue l'événement artistique de l'année 1925. Les critiques et journalistes furent nombreux a relater cet événement culturel. Parmi ces spectateurs, le plus attentif était l'imminent critique André Levinson. Malgré son mépris de l'art noir, Levinson fit de la revue une critique favorable, en raison surtout de son admiration pour Joséphine Baker, qui lui paraissait transcender le caractère de la danse :

"C'est elle, de son trémoussement forcé, de ses dislocations téméraires, de ses mouvements lancés qu'émane le jet rythmique. Elle semble dicter au drummer envoûté, au saxophoniste ardemment tendu vers elle. La musique naît de la danse, et quelle danse !... Le sens plastique d'une race de sculpteurs et les fureurs de l'Eros africain nous étreignent. Ce n'est plus la dancing-girl cocasse, c'est la Vénus noire qui hanta Baudelaire." tiré du journal Comoedia le 12 octobre 1925.

 

Référence musicale 7 (en bas d'article) -

 

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- Joséphine Baker circa 1928 (Source : TM) -

 

A contrario, d'autre critiques furent beaucoup moins emballés par les prestations de Joséphine à en juger par exemple celle que le journal New Yorker publia sous la plume de Janet Flanner. Malgré ces quelques réticences, le spectacle connaît six semaines de gloire : le spectacle tint l'affiche avec succès au Théâtre des Champs Elysées ! Prévue initialement pour une quinzaine, il y eut prolongation sur prolongation. La Revue Nègre va même poursuivre ses représentations au Théâtre de l'Etoile, dont la salle, plus petite, se trouvait sur les prestigieux Champs Elysées.

Josephine exécuta dans ce nouveau théâtre une parodie de la Pavlova en cygne noir. La fin des représentations à Paris fut définitivement fixée à la date du 17 décembre 1925. Par la suite, Caroline Dudley avait prévu une tournée en Europe qui devait aller jusqu'à Moscou. Mais ce voyage ne se feras pas, pour différentes raisons, et Joséphine Baker  partira en Europe, mais vers Bruxelles et Berlin

Après le triomphe de la Revue Nègre, la notoriété de Joséphine Baker s'en trouva accrue et elle devint la véritable muse de bon nombre d'artistes. Joséphine Baker représentait l'incarnation même du modernisme primitiviste, l'Art Nègre des Cubistes. Dans la capitale, plus précisément dans les quartiers de Montparnasse et Montmartre, elle rencontra le Tout-Paris artistique. La Rotonde et surtout la Coupole, l'établissement le plus huppé, étaient devenus les repères de la vedette Noire.

 

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Joséphine va complétement charmer et envoûter les maîtres de l'époque : le peintre Foujita, par exemple, la supplia de toutes ses forces de lui accorder une séance de pose. Joséphine Baker était demandée par les plus grands artistes de son temps : elle posa pour Picasso, Van Dongen et Horst, nue pour Dunand, ainsi que pour le grand photographe Man Ray. Son influence va être immense sur l'ensemble du monde culturel, et toucher tous les arts contemporains.

Le cubiste Henri Laurens la représenta dansant le charleston. En 1926, Alexandre Calder fit d'elle une caricature en fil de fer ainsi que plusieurs sculptures. Le plus célèbre portrait de Joséphine est très certainement un nu de Jean-Gabriel Domergue ou elle est représentée assise, se penchant en avant, les lèvres moites, pourvue une fleur blanche dans les cheveux. Le tableau, qui fût tout d'abord présenté lors d'une exposition au musée du Grand Palais à Paris, va devenir une reproduction pour les cartes postales.

 En 1927, forte de son succès au Théâtre des Champs Elysées et de sa réputation tumultueuse dans les soirées parisiennes, Joséphine est approchée par les Folies Bergères. Elle demande un salaire extravagant pour l'époque et pour une femme.. Mais le directeur des Folies Bergères voit en elle une icône, et il cède aux demandes de Joséphine. Elle quitte alors la Revue Nègre pour devenir meneuse de revue aux Folies BergèresLa nouvelle revue dans laquelle Joséphine fit ses débuts, en 1926, s'intitulait "la Folie du Jour".

 

- Référence musicale 8 (en bas d'article) -

 

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- Affiche "Folies Bergères" 1927 (Source : JM) -



Lors du début du spectacle, Joséphine faisait une entrée en scène magistrale, dans une lumière crépusculaire. Elle marchait à reculons et à quatre pattes, bras et jambes tendus, le long d'une épaisse branche d'un arbre peint, dont elle descendait ensuite comme un singe. La fameuse ceinture de bananes apparaîtra quelques années plus tard, en 1930, grâce à Henri Varna, directeur du Casino de Paris.

Henri Varna ira même jusqu'à lui offrir une véritable et splendide panthère noire, nommée Chiquita, en référence à Colette, en disant de Joséphine qu'elle était la "plus belle panthère". Joséphine Baker accumule les succès, et de nombreux producteurs accourent pour lui faire signer un contrat. Elle décide de participer a une nouvelle revue intitulée "La Joie de Paris", spectacle monté entièrement pour elle, au Casino de Paris en 1932.

 

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Durant cette période, Joséphine Baker va s'investir dans le 7éme Art au cinéma, et à la chanson. Dans ce dernier cadre, elle va avoir de nombreux succès, dont notamment en 1931 "J'ai deux amours", un  morceau qui devint sa véritable marque de fabrique. Cette chanson rappelait à la fois ses origines exotiques et son amour pour la ville de Paris qui l'avait si bien accueillie, notamment le milieu artistique comme nous l'avons vu. En plus de ces différentes activités, Joséphine Baker va également se lancer dans l'opérette.

Mais c'est surtout au cinéma que Joséphine Baker va se révéler une actrice de grand talent. Joséphine Baker va d'abord apparaître à l'écran au cinéma dans les années trente avec le film "Zouzou" en 1934 et "Princesse Tam-Tam" en 1935. Le film "Zouzou" est une comédie romantique légère , qui avait pour autre grande vedette l'immense acteur Jean Gabin, bientôt lui aussi Résistant à l'occupant Nazi. Joséphine, dans le rôle d'une blanchisseuse à Paris, crève littéralement l'écran, plus tard elle confiera qu' elle adorait son film "Zouzou", qu'elle identifiait d'ailleurs à l'histoire de sa vie.

 

- Référence musicale 9 (en bas d'article) -

 

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- Joséphine Baker circa 1939 (Source : DBDB) -

 

Dans le film "Princesse Tam-Tam", dans un décor nord-américain, un romancier Français blasé rêve de faire d'une gardienne de chèvres tunisienne une femme éblouissante qu'il puisse emmener à Paris. Un film au scénario bien simple mais qui va pourtant être porté par un public enthousiaste dés que la "Panthère Noire" Joséphine Baker apparaît. Après avoir passé dix ans en France, conquis et reconquis Paris, fait ses preuves sur l'écran aussi bien que sur scène, Joséphine avait envie de retourner son pays et de briller à Broadway comme elle avait brillée aux Champs-Elysées.

Ainsi, elle participa aux Ziegfeld Follies de 1936. Les Ziegfeld Follies étaient, aux Etats-Unis, ce qui se rapprochait le plus des revues parisiennes. Les critiques furent accablantes. Dans la salle immense du Winter Garden où se produisaient les Follies à New York, on entendait difficilement sa voix. Femme fantastiquement  belle et véritable femme fatale, Joséphine Baker va avoir une vie amoureuse très tumultueuse. Elle aura cinq époux et de nombreuses aventures avec des homme et des femmes.

Après ses deux premiers mariages, Joséphine  Baker se maria avec Jean Lion, courtier en sucre, riche et mondain, en novembre 1937En se mariant, elle obtient la nationalité française. Autrement, sa vie ne changea guère. Quatorze mois après le mariage, elle déposait une demande de divorce. Ce divorce est prononcé en 1940. Son quatrième mari est le chef d'orchestre Jo Bouillon. Leur mariage dure de 1947 à 1957, même si leur divorce n'est prononcé qu'en 1961. Ensemble, ils adopteront douze enfants. Le dernier époux de Joséphine Baker s'appelle monsieur Robert Brady, qu'elle épouse en 1973 pour un an, avant de décéder en 1975.

 

- Référence musicale 10 (en bas d'article) -

 

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 - Joséphine Baker en 1939 (Source : HSTS) -

 

Grande Résistante 

 

En septembre 1939, quand la France déclara la guerre à l'Allemagne en réponse à l'agression et l'invasion de la Pologne, Josephine Baker fut recrutée par le Deuxième Bureau, service chargé du renseignement pour l'armée Française de 1871 à 1940. C'est plus précisément l’imprésario Daniel Marouani qui va mettre en relation Joséphine avec Jacques Abtey, officier au Service de renseignement de l’armée, à Paris.

Joséphine Baker se montre vite convaincante face au capitaine Jacques Abtey du deuxième bureau qui, pensait plutôt à une mauvaise plaisanterie " C’est la France qui a fait de moi ce que je suis, je lui garderai une reconnaissance éternelle. La France est douce, il fait bon y vivre pour nous autres gens de couleur, parce qu’il n’y existe pas de préjugés racistes. Je suis prête, capitaine, à leur donner ma vie. Vous pouvez disposer de moi comme vous l’entendez! ".

L'action de Joséphine Baker pour la Résistante face à la sanglante oppression de l'occupation Allemande va s'illustrer dans différents domaines et lieux. Tout d'abord, Joséphine devient une authentique espionne grâce à sa notoriété qui lui permet d'ouvrir de nombreuses portes, en particulier dans les ambassades. Elle est donc recrutée comme correspondante au contre-espionnage de l'armée Française, car elle fréquente assidument la haute société parisienne.

 

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Sa toute première mission est d’obtenir des informations sur les intentions du régime fasciste de Benito Mussolini en Italie. Jouant de ses nombreux charmes, elle va parvenir à séduire l’attaché militaire de l’ambassade d’Italie, qui lui délivre de nombreux renseignements confidentiels sur les forces italiennes dans les Balkans, et sur les action de répression contre les militants progressistes en Europe.

Par la suite, à l’ambassade du Portugal à Paris, l’ardente patriote Joséphine Baker réussit a obtenir encore d’autres renseignements précieux sur les Allemands avec des plans de construction de sous-marins. Pour masquer son engagement secret, Joséphine, qui est titulaire d’un brevet de pilote de l’air, se mobilise auprès des Infirmières pilotes secouristes de l’air (IPSA), une section spéciale de la Croix-Rouge française.

Lorsque le général de Gaulle lance son appel du 18 juin 1940, Joséphine Baker en authentique patriote s’engage encore plus résolument dans les services secrets de la France libre. "Elle avait la tripe française. C’est elle qui nous remontait le moral", se souvient le colonel Paul Paillole. Indéniablement, Joséphine Baker écrit de cette façon les pages les plus glorieuses de sa fantastique existence.

 

Référence musicale 11 (en bas d'article) -

 

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 - Joséphine Baker en 1948 (Source : JH) -

 

Le capitaine Abtey devant régulièrement livrer des informations hautement sensibles à l’Intelligence Service britannique, Joséphine va avoir la géniale idée de l’engager comme secrétaire artistique sous la fausse identité de Jacques Hebert. Les informations secrètes sont transcrites en chiffres et codées, ou à l’encre sympathique, sur les partitions musicales de la chanteuse ! C'est littéralement l'oeuvre de Joséphine qui devient actrice de cette Résistance.

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Durant cette période de combat, la vie de la jeune artiste est réellement trépidante. Parmi les nombreuses aventures que Joséphine Baker va vivre durant cette période ou elle risquait sa vie, il y à cette aventure à l'opéra de Marseille ou Joséphine donne  quelques représentations de "La Créole d’Offenbach" pour dérouter l'attention des Allemands durant une importante opération de la Résistance.

 

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Dès 1941, l’espionne de charme officie depuis l’Afrique du Nord au sein de l'Armée de la France Libre. Installée au Maroc, avec force et détermination Joséphine poursuit ses activités de renseignement, même lorsqu'elle doit être hospitalisée pour une péritonite. Cette femme d'exception va tenir a continuer son activité malgré la douleur. Le courage de Joséphine Baker ne se limitait pas a son rôle de vedette engagée : c'est une véritable résistante.

Utilisant à bon escient sa renommée de vedette internationale, Joséphine va aussi multiplier les galas pour soutenir le moral des troupes alliées dans le Maghreb, et en Egypte. En 1944, elle rejoint l’armée de l’air à Alger comme officier de propagande. Elle débarque à Marseille en octobre. A l'issue de la guerre, son immense patriotisme sera récompensé par la médaille de la Résistance en 1946, avec les remerciements du général de Gaulle ; puis la très prestigieuse Croix de guerre *** et la Légion d’Honneur suivront en 1961.

 

- Sélection musicale 12 (en bas d'article) -

 

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- Joséphine Baker, débarquement de 1944 (Source : HV) -

 

La "Tribu Arc-en-Ciel"

 

Marquée à jamais par son engagement dans la Résistance durant la Seconde Guerre Mondiale, Joséphine Baker a particulièrement été sensible face au terrible sort des enfants et des orphelins de guerre. Joséphine Baker avait donc toujours eu dans l'idée de se lancer dans l'adoption d'enfants abandonnés et martyrisés par la guerre. Toujours aussi déterminée, Joséphine va donc adopter quatre jeunes enfants : un noir, un blanc, un jaune, et un rouge (!).

Ces 4 enfants qu'elle adopte vont être élevés dans le fameux château des MilandesLe Château des Milandes est situé en Dordogne, dans le magnifique Périgord Noir,  dans la commune de Castelnaud-la-Chapelle. Mondialement connu grâce à Joséphine Baker, le château est la demeure incontestée de la famille de Caumont jusqu’à la Révolution. Joséphine Baker s'installe ainsi dans une magnifique demeure ancrée dans l'histoire.

Eminente famille de l’aristocratie française, originaire d’un fief en Lot-et-Garonne depuis le Xe siècle, les Caumont s’installent en Périgord dans la forteresse de Castelnaud grâce au mariage de Nompar IV de Caumont avec Jeanne de CastelnaudPar la suite, ses descendants conservent le château mais laissent à des fermiers le soin d’exploiter les terres et d’entretenir le château.

 

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La Révolution Française sonne le glas de la splendeur des Caumont, le château est laissé à l’abandon ; vendu au cours du XIXème siècle, il est malheureusement peu entretenu voire abandonné par des propriétaires peu soucieux de la bâtisse. Deux familles se partagent la maison et modifient la disposition des pièces : nous sommes en 1850. Le Château  des Milandes va bientôt devenir celui de Joséphine, mais avant il va connaître un de ses principaux rénovateurs.

Un homme aura effectivement particulièrement compté dans la vie de ce Château des Milandes : monsieur Charles Auguste Claverie, un industriel français ayant des attaches en Sarladais, achète la demeure en 1900. Très grand industriel ayant fait fortune avec les corsets orthopédiques (il employa plus de 500 ouvriers), le rachète et commence à le restaurer pour finalement le rénover totalement. 

Après sa mort en 1914, sa veuve vend le château à un particulier, en 1947 Joséphine Baker se maria (pour la quatrième fois) avec le chef d'orchestre Jo Bouillon. Joséphine Baker a enfin trouvé l'endroit idéal pour mettre sur pieds son ancien projet d'adopter des enfants en nombre. Elle va créer une association qu'elle dénomme naturellement "Arc-en-Ciel" qui va devenir un véritable nid de sécurité et d'amour pour les enfants malheureux et abandonnés.

 

- Référence musicale 13 (en bas d'article) -

 

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- Joséphine Baker devant le château des Milandes en 1959 (Source : TR) -

 

Elle connaissait déjà le nom qu'elle donnerait à sa famille : la tribu Arc-en-Ciel. Si Joséphine Baker avait connu une enfance difficile à Saint Louis, elle était décidée à donner le meilleur à ses bambins, pour les choyer et les dorloter. Joséphine adopta son premier enfant au Japon lors de la tournée qu'elle y fit au printemps 1954. Le tout jeune garçon avait près de deux ans et s'appelait Akio.

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Au départ, ils étaient 6 puis 8 et enfin 12 enfants de nationalités et de religions différentes : Akio, Coréen ; Janot, Japonais ; Jari, Finlandais ; Luis, Colombien ; Marianne et Brahim d’Afrique du Nord, Moïse, Français et d’origine Juive ; Jean-claude et Noël Français, Koffi de Côte d’Ivoire, Mara, Vénézuélien et Stellina Marocaine.  Tous ses enfants venant des quatre coins de la Terre furent adoptés à partir de 1955.

Joséphine Baker, pour le pire comme pour le meilleur, était enfin arrivée au bout de son rêve : s'occuper avec amour de petits orphelins meurtris par la guerre. Tous ses enfants formaient la "Tribu Arc en Ciel", unis tous ensemble par l'amour de Joséphine pour le pire comme pour le meilleur. En effet, il s’agissait avant tout du meilleur : chaque enfant était entouré et choyé par une nurse, tous habillés comme des petits anges, vivant dans un château où régnait luxe, calme et amour !

 

- Sélection musicale 14 (en bas d'article) -

 

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- Joséphine Baker avec sa Tribu au Château de Milandes en Dordogne 1958 (Source :GET) -

 

 L'année 1959 fut celle d'un come-back vraiment  prodigieux pour Joséphine Baker. Effectivement cette année 1959, Joséphine va se produire dans la salle de spectacle de l'Olympia, boulevard des Capucines dans le IXe arrondissement. Joséphine se présente sa toute nouvelle revue "Paris mes amours". Le spectacle fut un véritable succès, mais pour ses prestations aux Etats-Unis, le nom du spectacle est transformé par le titre "The fabulous Josephine Baker".

Dans ce spectacle en 1959 à l' Olympia, elle y interprète de toutes nouvelles chansons, enregistrées sur le label RCA. Un choix tout particulier va être apporté à ses costumes, qui vont servir à la mettre totalement en exergue. Le public Français est très impatient de retrouver sa Joséphine qui est devenue une grande vedette internationale, et c'est le "tout Paris" qui se bouscule à l'entrée de l'Olympia le jour de la première.

Lors du déroulement de la revue, elle inaugure une trame qu'elle va désormais adopter pour la plupart de ses spectacles. Joséphine Baker joue différents scénettes chorégraphiques qui correspondent à des moments spécifiques et précis dans la chronologique de sa carrière, c'est dire de la Revue Nègre durant la Seconde Guerre Mondiale, en passant par les Folies Bergère et le Casino de Paris des années plus tard.

 

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Malheureusement, les années soixante correspondent sans aucun doute à la période la plus troublée dans la trépidante vie de Joséphine Baker. Séparée de son époux Jo Bouillon, écrasée par les dettes, courant les cachets à Paris et en tournée, Joséphine se sentait perdue. Malgré ses déboires personnels, elle n'en oubliait pas pour autant son combat pour l'égalité et la fraternité des peuples et contre le racisme. C'est justement à ce titre, que Joséphine Baker va participer en 1963 à la grande marche pour les Droits Civiques.

Cette marche devenue légendaire est plus connue sous le nom de "Marche de Washington". C'est durant cette marche qu'elle va connaître et se rapprocher de l'immense Martin Luther King. Comme elle le soulignera elle même, ce fut l'un des grands moments de sa vie. Le but déclaré de la manifestation était d'obtenir davantage d'emplois et de liberté pour les Noirs Afro/Américains et les minorités des Etats-Unis.

Lors de la marche aux côtés de Martin Luther King, Joséphine Baker y portait son uniforme de l'armée orné de ses valeureuses médailles de grande Résistante, et faisait partie des officiels sur l'estrade. Ce retour aux Etats-Unis, durant ces années 1960, lui permit de se produire au Carnegie Hall de New York la même année, puis au Strand et au Brooks Atkinson Theater où elle triompha devant un public comblé de retrouver sa "Panthère Noire".

 

- Sélection musicale 15 (en bas d'article) -

 

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 - Joséphine Baker lors de la marche en faveur des Droits Civiques à Washington en 1963 (Source : SR) -

 

Mais Joséphine n'en avait pas fini avec ses passages à Paris, cette fois elle le faisait pour remédier a ses soucis. C'est ainsi qu'en 1968, Joséphine Baker se retrouva sur la scène de l'Olympia à Paris pour sauver les Milandes, avec l'aide de Bruno Coquatrix et de la compagnie de disques Pathé Marconi. Cette illustre et plus que centenaire maison de disques va sortir un 33 tours pour l'occasion. Le "tout Paris" va la soutenir dans son combat pour ses orphelins de guerre.

Notons, au passage pour la petite histoire, que a contrario de la légende qui la proclame passionaria des barricades de Mai 1968, Joséphine va bien au contraire participer à la grande marche populaire de soutien au général de Gaulle. Son rôle dans la Résistance l'avait convaincue dans sa propre chair du destin national du Général de Gaulle.

En 1973 Joséphine revient aux Etats-Unis et se produit quatre jours au Carnegie Hall de New York au mois de juin. Agée de 67 ans, elle se présente sur scène en maillot couleur chair. Son corps était toujours splendide et ses tenues toujours incroyables et osées. Malgré une extinction de voix, le succès fut largement au rendez-vous pour Joséphine, une grande tournée fut organisée aux Etats-Unis.

 

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Une année plus tard en 1974, la Société des bains de mer de Monte-Carlo demanda à nouveau à Joséphine Baker d'être la grande vedette du gala annuel au profit de la Croix Rouge. Le décorateur André Levasseur imagina un show extravagant qui, une fois de plus, racontait l'histoire de Joséphine à travers une série de tableaux résumant sa vie. Les tableaux débutaient naturellement par son enfance, pour se poursuivre avec la période de la Revue Nègre, et finir bien entendu par son engagement dans la Résistance.

Le spectacle fut une immense réussite et un énorme succès commercial auprès du public : Joséphine Baker était devenue une authentique légende. Dans l'optique de la célébration de l'anniversaire de la grande vedette Noire, le Casino de Paris ayant refusé, la salle de Bobino accueillit ce spectacle qui devait célébrer les cinquante ans de carrière de Joséphine. Une fantastique fête qui célébra dans la joie les cinquante ans d'amour de Joséphine Baker avec son cher Paris

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En mars 1975, elle participa à l'inauguration de la rétrospective Joséphine à Bobino, le prince Rainier III et la princesse Grace figuraient parmi les mécènes. En avril 1975 Joséphine Baker donna son spectacle comme d'habitude. Durant la deuxième semaine de ce mois d'avril 1975, le jeudi plus exactement, elle se leva et passa quelques coups de téléphone, puis elle déjeuna légèrement avant de se coucher pour faire sa sieste réparatrice habituelle. 

 

 - Référence musicale 16 (en bas d'article) -

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 -  Affiche concert en 1966 à New York City (Source : HAC) -

 

C'est durant sa sieste que va advenir un incident très grave mettant en danger l'existence de Joséphine Baker. Malheureusement, Joséphine Baker va faire une hémorragie en dormant, elle va être immédiatement transportée à l'hôpital de la Pitié-Salpêtrière à Paris pour être soignée. Agée de 68 ans, Joséphine Baker va en fait succomber à une attaque cérébrale qui ne va lui laisser aucune chance.

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Pour mettre à l'honneur cette grand dame pour son décès, la République Française décrétera des obsèques nationales, une grande première pour une femme Noire en France. Les funérailles nationales télévisées auxquelles elle eut droit étaient quasi sans précédent pour un artiste. De nombreux Français vont participer et accompagner ce deuil en faveur de la mémoire de la "Panthère Noire" Joséphine Baker.

 

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Le cortège funéraire va même passer devant le théâtre de Bobino, où son nom brillait encore, et gagner la Madeleine accompagnée  d'une imposante foule pour la suite de la cérémonie. Parmi les célébrités et les dignitaires qui, trois jours plus tôt assistaient d'ailleurs à sa première, étaient présents la princesse Grace et Sophia Loren. Même morte, Joséphine Baker continuait d'être vivante. Le mythe était né dès 1925Le souvenir vibrant de cette grande dame est toujours vivant et même d'actualité aux quatre coins du pays en cette année 2021.

Comme vous pouvez le constater ci-dessous avec les photos de notre reportage dans le XIIIe arrondissement, la mémoire de Joséphine est entretenue par les jeunes générations comme avec ce magnifique graffiti sur les murs de la capitale. De plus, cette année 2021, est effectivement celle du lancement d'une initiative nationale en faveur de Joséphine. Une brillante initiative ayant pour objectif de permettre au corps de Joséphine Baker d'être enterré à Paris dans le prestigieux Panthéon sur la montagne Sainte GenevièveEn proposant de placer son corps dans ce monument dédié aux personnages glorieux de France, un véritable hommage pourrait être rendu à la mesure de cette très grande dame du XXe siècle

 

 - Référence musicale 17 (en bas d'article) -

 

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 - Graffiti hommage à Paris en 2021  (Source : Laurent Grux 75 M.N.S® ) - 

 

Indéniablement, la grande Joséphine Baker a laissé une empreinte indélébile dans la mémoire collective française et américaine Lors de ses funérailles, une vieille dame noire qui pleurait, et disait une réflexion : "Je n'aurais jamais cru qu'une femme de couleur puisse être enterrée à Paris comme une reine." C'était la soeur de Joséphine, Madame Margaret Wallace. Une déclaration qui résumait magnifiquement Joséphine Baker.

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C'est sa fameuse ceinture de bananes qui est ancrée dans l'inconscient collectif, tout comme sa légendaire chanson "J'ai deux amours". Mais, pour bien comprendre Joséphine Baker, il faut essayer de la suivre bien au-delà des paillettes et des falbalas habituels. Sa vie, qui va devenir légendaire, est avant tout un incessant combat pour l'amour et la tolérance envers l'Humanité.

 

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Pour le "Cercle Modernist", g@zette du 75 M.N.S®, Joséphine Baker représente irréfutablement l'excellence et l'honneur de la France. Son histoire totalement incomparable est un authentique modèle d'engagement pour les jeunes générations futures. Une existence vraiment exemplaire d'une grande combattante de la Liberté et de la Raison.

 Notre Club Modernist est particulièrement fier de veiller au respect de la mémoire de cette femme d'exception qu'était Joséphine Baker. Le respect de ces valeurs, qui vont forger sa vie, est une véritable ligne directrice pour nous les Mods de Paris du 75 M.N.S®La prochaine nouvelle année 2022, sera pour nous l'occasion de rendre un hommage appuyé à madame Joséphine Baker la belle "Panthère Noire" de notre belle ville de Paris

 

Alexandre Saillide-Ulysse

75 M.N.S®



*** Décorations officielles de J. Baker:



Chevalière de la Légion d'Honneur

Croix de Guerre 1939 -1945

Médaille de la Résistance Française

Médaille des Services Volontaires de la France Libre

Médaille commémorative 1939 - 1945

 

Sources :

 

 - Phyllis Rose " Joséphine Baker : Une Américaine à Paris", éditions Fayard, Paris, 1990

- Lucien Maison, "Histoire du Jazz", éditions Seuil/Solfèges, Paris, 1976 (mise à jour en 1994)

- Sous la direction de Philippe Carles,  avec André Clergeat et Jean-Louis Comoli, "Dictionnaire du Jazz", éditions Robert Laffont, Paris, 1995

- Emmanuel Bonini, "La Véritable Joséphine Baker", éditions Pygmalion, Paris, 

Marcel Sauvage, "Les Mémoires de Joséphine Baker", éditions Dilecta, Paris,

- Jacques Pessis, "Joséphine Baker" (Biographie), éditions Folio, Paris, 2007

- Divers numéros des magazines "Soul Bag", "Jazz Time", "Jazz Magazine", ainsi que les très précieux "Bulletin du Hot Club de France".

 

  

Références musicales :

 

- Sélection 1 : Joséphine Baker " Felling Kind Of Blue" -

Deja Vu Records (BOOLN9J2GU) - 1987 réédition  / enregistrement original 78Tours en 1926 pour Odeon Records

 

- Sélection 2 : Jelly Roll Morton And His Red Hot Peppers "Dr Jazz" - RCA Records (LC0316) -1986 réédition / enregistrement original 78Tours en 1926 pour Electrola Europe Records

 

- Sélection 3 : Joséphine Baker "La Petite Tonkinoise" -

Columbia Records (France / SCRF 122) - 1954 / enregistrement original 78Tours en 1930 pour Columbia France (DF229)

 

- Sélection 4 : Art Pepper Quartet " Tickle Toe " -

Discovery Records (45-170) - 1952

 

- Sélection 5 : Joséphine Baker "You're Driving Me Crazy" -

Deja Vu Records (BOOLN9J2GU) - 1987 réédition / enregistrement original 78Tours en 1931 pour Columbia Records (DF709

 

- Sélection 6 : Joséphine Baker "Bahiana" -

Pacific Records France (EP / 90301B) - 1959 réédition / enregistrement original 78Tours en 1949 pour Pacific Records France (3284

 

- Sélection 7 : Joséphine Baker "Sonny Boy" -

RCA Records France (EP / 76.362) - 1959

 

- Sélection 8 : Joséphine Baker "J'ai Deux Amours " -

Columbia Records (SCRF/122) - 1954

 

- Sélection 9 : Boris Vian "J'Suis Snob" -

Phillips Records (FR / EP 4322.033NE) - 1955

 

- Sélection 10 : Joséphine Baker "La Ballade Des Rues de Paris" -

RCA Records (FR / EP 76.362) - 1959

 

- Sélection 11 : Duke Ellington & The Jungle Band "Jazz Convulsions" - Arhollie Records (003) - 1989 réédition / enregistrement original 78Tours en 1929 pour Brunswick Records (4705)

 

- Sélection 12 : Joséphine Baker "La Seine " -

RCA Records (FR / 76.372) - 1959


- Sélection 13 : Sonny Clark "The Breeze And I" -

Blue Note Records (45-1729) - 1959

 

- Sélection 14 : Horace Silver "Come On Home" -

Blue Note Records (45-1740) - 1959

 

- Sélection 15The Impressions "Choice Of Colors" -

Curton Records (1943) - 1969

 

- Sélection 16 : Joséphine Baker "Le Marchand de Bonheur" -

RCA Records (FR / EP 76.362) - 1959



- Sélection 17 : Joséphine Baker " Sag Beim Abschied Leise" -

RCA Records (FR / EP 76.362) - 1959

 



16/10/2021
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