Le Beau Brummel
- George Bryan Brummel (Source : HM) -
Le Prince des Dandys
Avec Georges Bryan Brummel (1778-1840), nous abordons un personnage central et réellement précurseur.
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En effet, nous nous arrêtons là, étonnamment "tard", sur une véritable légende du Dandysme.
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Etonnamment "tard", car "Beau Brummel" est incontestablement considéré comme le "défricheur" de la culture Dandy,
et de ce fait, il aurait normalement dû être aux premières loges de cette même rubrique intitulée "Get Smart" !..
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Grâce à cette approche autour de la vie de Georges Bryan Brummel, nous allons, donc, essayer de combler cette lacune...
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Comme d'habitude, notre objectif est de mieux connaître un personnage, et son environnement, par le biais d'une approche volontairement hétéroclite.
Georges Bryan Brummel est né le 7 juin 1778 à Westminster, en Angleterre.
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Il est issu d'un famille non aristocratique, même si son père, William Brummel est le secrétaire particulier de Lord North.
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Ce dernier est Lord de la Chancellerie Royale et il va surtout devenir deux fois Prime Minister.
Malgré cette "petite fonction", nous verrons que son père va tout de même lui laisser un bel héritage.
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L'Angleterre de cette fin de XVIIe siècle est un royaume en pleine croissance : ce sont les premiers pas de la Révolution Industrielle.
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La société britannique est régie par des valeurs qui cloisonnent les rapports entre les différentes classes sociales.
- Référence musicale 1 (en bas d'article) -
- Topographie Westminster Bridge XIXe siècle (Source : HM) -
Malgré cette barrière entre les différentes classes sociales, Georges Bryan Brummel va réussir à fréquenter les milieux les plus aristocratiques,
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et cela, nonobstant le fait qu'il soit la simple progéniture d'un "esquire", c'est-à-dire un membre de la Gentry, mais sans titre ni rang.
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Le père du jeune Georges est fermement décidé à en faire un Gentleman,
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pour cela il inscrit son fils au très prestigieux College d'Eton, en face de la ville de Windsor à 40 km de Londres.
Rappelons que l'Eton College, le King College Of Our Lady Of Eton Beside Windsor plus précisément,
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est assurément une des plus prestigieuse et élitiste Public Schools en Angleterre.
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Par la suite, Georges Bryan Brummel va intégrer la non moins prestigieuse Université d'Oxford.
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Bref, arrivé à l'âge de jeune adulte, Georges Bryan Brummel est pourvu d'une éducation de tout premier ordre.
Pour parfaire cette formation d'excellence, il rejoint l'armée de Sa Majesté et intègre le 10e Régiment des Hussards Royaux.
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Pendant ce temps son père était mort, en 1794, et il lui avait laissé en héritage une très confortable somme pour sa majorité.
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Dès sa majorité, en 1799, Georges Bryan Brummel va donc toucher 30 000 £ : c'est une véritable fortune pour l'époque !
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Une fortune qu'il va engloutir, en grande partie, en un mode de vie et des vêtements extrêmement luxueux.
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Quelques années auparavant, en 1793 exactement, Georges Brummel va perdre sa mère qu'il adore.
Cette douloureuse disparition explique en partie sa décision de se créer un "masque" d'impassibilité pour cacher sa sensibilité.
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Dès son arrivée au sein du 10e Régiment des Husards Royaux, George Bryan Brummel est vite pris sous l'aile protectrice du Prince de Galles.
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Grâce à cette nouvelle protection, Brummel est très vite promu : il est nommé capitaine des Hussards Royaux en 1796.
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Comme toujours son charme, son charisme et sa grande élégance, qui est déjà une grande "préoccupation", lui permettent d'ouvrir toutes les portes.
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Georges Bryan Brummel avait déjà été un des favoris, à 16 ans, du futur Roy d'Angleterre, le Prince Florizel.
- Catalogue High Life Taylor Paris XIXe siècle (Source : DVBZ@) -
Le Prince de Galles est fasciné par le jeune Brummel, le Prince est également un Dandy, mais assez égocentrique et très dépensier,
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il n'est pas aussi bien pourvu par la nature que Georges Brummel : c'est un homme obèse et d'assez petite de taille.
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Georges Bryan Brummel et le Prince devinrent des amis très proches : le jeune Dandy conseille le Prince,
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tandis que ce dernier le présente à toute la haute société britannique de Londres en cette fin de XVIIe siècle.
Il est d'un esprit jovial, il possède des manières de Gentleman, une élégance discrète soutenue par une retenue parfaite :
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Georges Beau Brummel représente incontestablement le Dandy dans toute son excellence "Mr Brummel se fait plutôt attendre que désirer"...
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Le jeune Georges Bryan Brummel s'installe à Londres, dans le très chic quartier de Mayfair, donnant sur Hyde Park.
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C'est à cette période que ce forge le début de sa légende du Dandy : il devient membre du très fermé White's Club, et on dit alors que "
Pour la jeunesse dorée toujours avide de singer les grands et de se faire remarquer, Buckingham fut un maître Nash un Roy, mais Brummel fut un Dieu !"...
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Durant cette période Beau Brummel évite de se faire remarquer et arbore une élégance distinguée et réservée :
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il ne possède pas, par exemple, de carrosse et se contente de simples chevaux pour se déplacer discrètement...
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C'est surtout l'attention méticuleuse qu'il apporte à son allure vestimentaire de Dandy,
ainsi qu'a l'extrême soin qu'il développe pour sa propre hygiène, qui le rendent vite légendaire auprès de ses contemporains..
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D'ailleurs, Beau Brummel va très rapidement créer son propre style : âgé de à peine 15 ans,
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il modernise le port de la cravate des élèves du Eton College, tout en y rajoutant une boucle d'or...
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Loin des "frous-frous" exubérants de la mode vestimentaire masculine de son époque, il développe un style fait de sobriété et simplicité.
- Référence musicale 2 (en bas d'article) -
- Tailleur pour hommes début XIXe siècle (Source : MEK.B.D) -
Avec le Prince, très exubérant, il adopte des habits de coupe sobre, toujours de couleur sombre.
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En fait, pour son époque, son attitude ironique, teintée d'insolence, ainsi que son allure sobre, élégante et simple, sont déjà une "extravagance" !
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Beau Brummel va être vite connu pour ses fabuleuses cravates, et surtout pour avoir abandonné la pratique du port de la perruque poudrée.
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Beau Brummel préfère arborer une coupe de cheveux "à la Brutus", comme dans la Rome Antique,
notons qu'en même temps, en 1795, une taxe sur la poudre à cheveux est instituée pour subvenir à l'effort de guerre contre la France.
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Lorsqu'il sort de sa maison de Londres, Beau Brummel est toujours impeccablement lavé, rasé, parfumé, arborant du linge fraîchement lavé et amidonné.
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Ses vêtements sont extrêmement bien brossés et de couleur sombre, la cravate, une de ses passions, est admirablement portée avec perles ou boucle d'or.
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Même si Beau Brummel est connu pour son élégance sobre, n'allez pas croire qu'il avait un style de vie simple : comme nous l'avons déjà souligné,
il va totalement dilapider le confortable héritage légué par son père, les 30 000 £ en vêtements luxueux et dans le jeu.
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Car, Georges Beau Brummel est véritablement passionné par le jeu : une occupation très en vogue dans la haute société de l'époque.
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En effet, tard dans le soir, les Gentleman se divertissent en misant des sommes souvent colossales au Whist ou au Faro, les ancêtres du jeu de Baccara.
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Joueur patenté, Beau Brummel va très vite s'endetter pour des sommes colossales qui lui laissent d'immenses créances ....
Malheureusement, son salaire d'ancien capitaine des Hussards du Roy, ou les aides de ses connaissances, ne vont pas suffirent à éponger ses dettes :
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le "Prince des Dandys" est contraint de quitter l'Angleterre le 17 mai 1816 pour fuir ses innombrables créanciers qui le poursuivent.
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Entre temps, son amitié avec le Prince de Galles va prendre fin lorsque ce dernier succède au trône d'Angleterre.
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On ne connait pas vraiment la raison, au contraire de ce que pensent certains ...
- Encart publicitaire 1935 (Source : V.H) -
Notons que loin de ternir sa réputation de Gentleman, comme cela est généralement le cas lorsqu'un favori perd la faveur d'un souverain,
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cet épisode va permettre à Georges Bryan Brummel de briller encore plus, en fréquentant exactement les mêmes "Cercles" de la haute société.
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Comme le très réservé et élitiste Cercle Watier, considéré comme le Cercle des Dandys par excellence à l'époque.
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Sa réputation est intacte, mais la ruine va obliger Georges Bryan Brummel a ne plus quitter son logis que de nuit pour échapper à ses créanciers.
Malgré cette situation financière réellement catastrophique, Beau Brummel va toujours essayer de rester élégant et fidèle à son image de Dandy.
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Georges Beau Brummel va, par exemple, "lancer" la mode des cravates noires malgré lui : il n'a plus, en fait, les moyens d'amener ses cravates au blanchisseur !
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En fuyant Londres en 1816, il s'installe à Calais, il passera en France les dernières années de son existence.
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Au début de son séjour en France, il s'installe à Calais en continuant d'apporter un soin extrême à sa toilette et ses vêtements.
Il est vite surnommé le "Roy de Calais" et fréquente les salons de la haute société de la ville :
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Cette vie est moins prestigieuse certes, mais il y trouve un nouvel avantage en appréciant vite la qualité de la gastronomie locale !
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Même si il était plutôt bien installé à Calais, Georges Beau Brummel va devoir déménager à Caen pour occuper sa nouvelle fonction.
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En effet, grâce à l'aide et à "l'intervention" de ses amis, le Marquis de Worchester et Lord Avanley, il obtient un poste prestigieux.
Georges Beau Brummel devient donc, en 1830, le tout nouveau Consul d'Angleterre à Caen grâce à son influence auprès du Ministère des Affaires étrangères.
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Mais sa fonction de Consul d'Angleterre ne l'intéresse pas beaucoup, Beau Brummel préfère recommencer à jouer et à fréquenter les salons.
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Il va avoir de nouvelles dettes qu'il ne va pas pouvoir, encore une fois, honorer et cela va l'obliger à démissionner de son poste de Consul.
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Beau Brummel va finir par être arrêté dans une petite chambre de l'hôtel d'Angleterre à Caen, il est rapidement mis en prison en 1835.
- Référence musicale 3 (en bas d'article) -
- "Le Follet Courrier des Salons" circa 1830 (Source : GM) -
Bien entendu, les éprouvantes et terribles conditions carcérales vont fortement affecter le moral et le physique de Georges Bryan Brummel.
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Pourtant, malgré ces très difficiles conditions il va tenir à garder son allure de Dandy en prison : il déambulait dans la cour de la prison avec majesté !
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Beau Brummel va même réussir à faire organiser un véritable festin gastronomique avec la complicité du directeur de la prison :
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il fait déguster truffes, homards et Champagne dans la cellule du Baron de Brosmenil en l'honneur du Duc de Bordeaux.
Il va même être aidé par un détenu pour dettes, comme lui, et un condamné à mort, qui vont se métamorphoser en maître d'hôtel et sommelier pour l'occasion !...
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Mais, après plus de deux mois de détention, la réputation de Beau Brummel est ternie et son image de Dandy largement dégradée.
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Il va reprendre un temps la vie de salon, après sa sortie de prison, mais le coeur n'y est plus : il devient très mélancolique et surtout il est financièrement en péril.
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A partir de ces années 1837-1838 Georges Beau Brummel tombe bien malheureusement en désuétude : le Dandy flamboyant est mort ...
Durant cette période de pauvreté, à la fin de sa vie, le Beau Brummel revêt en permanence une cravate noire en signe de deuil.
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Le Beau peut, de cette manière, éviter en plus la dépense de blanchisserie, comme nous l'avons vu précédemment.
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Son ami Tom Moore le décrit en piteux état lorsqu'il le rencontre par hasard dans la rue en 1838 :
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"Le pauvre Beau perd la raison et son aspect à tellement changé que je ne l'aurais jamais reconnu"...
Cette même année 1838, il est donc contraint par sa maladie de s'installer à l'Hôpital Saint Sauveur de la ville de Caen.
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Cet hôpital est le refuge pour tous les laissés pour comptes, le seul endroit qui puisse les accueillir grâce à l'âme charitable des soeurs.
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C'est ainsi que le 29 mars 1840 Georges Bryan Beau Brummel va s'éteindre dans son lit.
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En signe "d'ultime élégance", il se retourne pour que l'on ne le voit pas mourir comme un ultime réflexe de pudeur....
- Encart publicitaire circa 1930 (Source : HHV) -
Juste avant sa mort, Barbey d'Aurevilly, autre Dandy et élégant de son époque, viendra rencontrer le "Prince des Dandys" à l' Hôpital Saint Sauveur .
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Barbey d'Aurevelly, véritable "Connétable des lettres", comme il est d'ailleurs surnommé par ses contemporains,
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fait édité, en 1845, à quelques exemplaires de l'ouvrage intitulé "Du Dandysme et de Georges Brummel".
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Même si Barbey d'Aurevilly est principalement connu pour son oeuvre romanesque ("Les Diaboliques" 1874),
il est surtout, pour nous, un observateur de tout premier ordre pour comprendre de l'émergence du Dandysme.
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En effet, Barbey d'Aurevilly, tout en étant lui même un véritable Dandy menant une vie notoirement désordonnée,
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va justement théoriser le premier ce nouveau style de vie dans son ouvrage sur Beau Brummel en 1845.
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Cet ouvrage est d'ailleurs le premier d'une très longue liste de livres dédiés au phénomène Dandy.
- Référence musicale 4 (en bas d'article) -
- Encart publicitaire magasin Brummel Paris circa 1930 (Source : CEN/CP) -
Tous ces ouvrages essayent d'expliquer cette véritable fascination qui va se développer autour de la personne de Georges Beau Brummel,
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un homme pourtant issu d'une Gentry fauchée somme toute assez ordinaire comme nous l'avons vu !..
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Mais, avec le temps, le mythe va grandir et devenir un phénomène "en vogue", avec par exemple l'incarnation du Dandy que fut Oscar Wilde.
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Notons que Honoré de Balzac va lui aussi s'intéresser de près au Dandysme :
dans son "Traité de la vie élégante" il condamne littéralement le Dandysme en le qualifiant "d'hérésie de la vie élégante" !..
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Tout dernièrement, Georges Bryan Brummel va même recevoir les honneurs de la ville de Londres, sur Jermyn Street exactement,
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The Big Smoke va lui faire ériger, en 2002, une magnifique et imposante statue en bronze.
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Bien avant, en 1930 à Paris, une marque de vêtements est créée au sein du Grand Magasin "Le Printemps".
La marque BRUMMEL est donc créée en 1930 : c'est la marque de l'élégance masculine française.
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Le choix du logo, un Dandy (voir l'illustration ci-dessous), illustre parfaitement cette volonté et cette exigence de qualité française.
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Beau Brummel représente, désormais, l'intemporalité du vrai raffinement et de l'élégance masculine française.
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Il ne pouvait être qu'une des figures emblématiques spécialement appréciée, ou même "révérée", par une partie du mouvement Modernist.
En effet, une certaine élite Modernist tient à continuellement préserver au plus haut point la tradition du Smart Dress, certains les appellent même Stylist...
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Modernist, Stylist, Individualist, ou même Dandy.... l'objectif est toujours le même : mettre en avant cet extrême souci d'élégance !
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En fait, ces dénominations peuvent apparaître bien étrange à bien y réfléchir :
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la véritable culture Modernist est clairement indissociable et irrémédiablement "attachée" à l'élégance vestimentaire !
- Référence musicale 5 (en bas d'article) -
- Statue de Georges "Beau" Bryan Brummel à Londres (Source : ML) -
Mais, peut être que l'apparition de ces "nouvelles dénominations" est le résultat du fait de notre époque,
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une époque qui ne connaît plus vraiment ses racines et court après le court terme en oubliant la profondeur de ses racines.
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Bien que, dès l'origine de notre mouvement, à la fin des années 1950 en Angleterre,
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les termes de Stylist, ou même d'Individualist, sont déjà usités par la scène elle même, puis par la presse britannique.
Certes, le débat peut être lancé sur cette frange "ultra" ; mais, comme nous le soulignons continuellement :
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la tradition du Smart Dress est elle une véritable exigence pour tous Modernist !
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Une tradition Modernist nourrie et forgée par ses différentes générations,
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fière de ne pas ignorer les profondes racines historiques du Temps présent et passé !
Alexandre Saillide-Ulysse.
75 M.N.S ®
Sources :
- "Honoré de Balzac (préface de Maxime Rovere) traité de la vie élégante" - Editions Payot&Rivages,Paris, (1r édition 1830) 2012
- Melvin Lewis "Beau Brummel : his life and letters", Editions Doran, New York City, 1925
- Giuseppe Scaraffia "Gli ultimi Dandies", Editions Sellerio, Palermo, 2002
- Henriette Levillain "L'esprit Dandy : de Brummel à Beaudelaire", Editions Corti, Paris, 1991
Références musicales :
- Sélection 1 : Big Mike Gordon & Dave Mc Rae Orchestra "(Ho Ho Ho) You Don't Want me no more" - BATON (219) - 1956
- Sélection 2 : Bud Harper "Let Me Love You" - VOCALION (VP 9252) - 1965
- Sélection 3 : Eddie Wilson "Toast To The Lady" TOLLIE (9033) - 1964
- Sélection 4 : The Falcons "Good Good Feeling" - BIG WHELL (1972) - 1967
- Sélection 5 : George Smith "I've Had it" - TURNTABLE (713) - 1965
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