Le Cercle Modernist

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Jamaïcan 45's Libellus IV "Spécial Blue'Beat"

 

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Ce quatrième opus, de votre rubrique Jamaïcan 45's Libellus, est tout spécialement dédié à un label mythique.

Effectivement, pour cette nouvelle session, ce sont les morceaux produits par la fameuse compagnie Blue Beat Records qui sont à l'honneur.

Un label particulièrement apprécié par nous Modernist, et bien entendu chéri par nos cousins et chers amis Suedeheads.

Notez, chers (eres) lecteurs (trices), que l'approche autour de cette mythique compagnie de disques ne se veut pas exhaustive.

Comme à l'accoutumée, cet opus  présente également une sélection de disques vinyles (dans ce cas, exclusivement des 45 Tours).

La sélection est comme toujours suivie par la rubrique "Plus en Détail..." va s'intéresser justement et précisément à Blue Beat Records.

 

 - Référence musicale 1 (en bas d'article) -

 

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 - Article presse 1969 (Source : SB) - 

 

 

 

- Blue Beat 45's Records'selection - 

 

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- Errol Dixon (BB337) en 1966 (Source : 75 M.N.S) -

 

 

* Duke Reid And His Group "Duke's Cookies" - Blue Beat Records (24) - 1960

Owen Grey "Running Around " - Blue Beat Records (BB8) - 1960

* Clue J. And His Blues B  "Easy Snapping" (BB15) - 1960

* The Blues Busters "Tell Me Why" - Blue Beat Records (BB102) - 1962

* The Stranger "Rough and Tough" - Blue Beat Records (BB165) - 1963

* Theophilius Beckford "Don't Worry To Cry" - Blue Beat Records (BB257) - 1964

* The Maytals "Ska War" - Blue Beat Records (BB306) - 1965

* Errol Dixon "Heavy Shuffle" - Blue Beat Records(BB337) - 1966

* Buster All Stars "Sound And Pressure" - Blue Beat Records (BB372) - 1967

* Kinston Pete "Little Boy Blue" Blue Beat Records (BB403) - 1967

 

 

 - Référence musicale 2 (en bas d'article) -

 

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 - Times Magazine 1961 (Source : TM) -

 

 

Blue Beat Records 

 

 Le logo (et le son !) du label Blue Beat représente pour nous tous Modernist & Suedies, la joie et la profondeur musicale des West'Indies.

Une musique des îles Caraïbes que notre culture Modernist apprecie tout particulièrement, et ce depuis ses origines à la fin des années 1950.

Un style musical bien spécifique, indissociable de l'environnement propre à l'Angleterre et de son importante diaspora Jamaïcaine.

 

N'oublions pas que l'île de la Jamaïque va quitter les colonies Britanniques en 1962, en devenant enfin un pays libre et souverain.

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Nous verrons, justement, que "Siggy" Jackson et Emil Shallit, les deux producteurs à l'origine de la création du label Blue Beat,

vont lentement (mais sûrement) établir des contacts de premier ordre, et d'innombrables projets directement avec l'Angleterre.

De plus, la terminologie même du mot Blue Beat est elle aussi profondément liée et indissociable du pays de la langue de Shakespeare.

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Sur le plan financier aussi ce sont les rapports et les échanges qu'Emil Shallit va mettre en place, entre l'Angleterre et la Jamaïque,

qui vont permettre une grande réussite financière résultant des importantes ventes de disques au Royaume-Uni à partir des années 1960.

 •

Emil Shallit est un personnage singulier et réellement fascinant : plus précisément, monsieur Shallit est un juif d'Europe centrale.

Comme beaucoup d'hommes de son temps, il va trouver refuge et paix aux Etats-Unis en échappant ainsi à l'horreur de la Shoa.

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Après avoir obtenu la nationalité américaine, devenant ainsi citoyen des Etats-Unis, Emil Shallit va rapidement se lancer dans l'industrie du disque.

Comme très souvent, plusieurs hypothèses sont avancées pour expliquer les raisons qui le poussent à s'intéresser à cette industrie du disque.

Quoi qu'il en soit, l'explication la plus plausible est qu'Emil Shallit a surtout besoin d'argent, et c'est justement une industrie en plein essor.

Emil Shallit s'intéresse très tôt, et de très près (!), aux musiques en vogue en Jamaïque, aux Etats-Unis, en Angleterre,et en Europe continentale.

 

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 - Blue Beat Lp (BB805) en 1965 (Source : 75 M.N.S) -

 

 

Au départ, Emil Shallit est simplement passionné de musique : il achète régulièrement des disques (et des acetates) de Mento et de Calypso, et ce dès le milieu des années 1930.

C'est aussi, et surtout, grâce à Bertie King, un musicien de Jazz originaire des West Indies, qu'Emil commence à acheter de nombreux disques vinyles.

Plus tard, Emil Shallit va d'ailleurs racheter le précieux carnet d'adresses de Bertie King, lorsque celui-ci rentre définitivement en Jamaïque.

C'est aussi durant cette même période qu'Emil Shallit décide de fonder à la fin des années 1940 son propre label (Melodisc Records).

Il est primordial d'insister sur l'importance de ce label, véritable "incubateur" pour la future compagnie Blue Beat Records.

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 Tout d'abord, Melodisc Records est une des premières grandes sociétés indépendantes en Grande-Bretagne (même si elle est initialement fondée à New York City).


Plus précisément, dès sa création Melodisc est dédié à l'enregistrement de Jazz, Rhythm'n'Blues, et de musique des Caraïbes (Mento et Calypso).


Ce label va effectivement enregistrer de nombreuses pointures Afro-Américaines, parmi lesquelles Louis Jordan, Big Bill Bronzy, ou Charlie Parker.

C'est à partir du début des années 1950, que Melodisc Records débute ses tout premiers enregistrements à Londres, en Angleterre.

En fait, Emil Shallit a désormais assez de contacts pour s'établir directement au coeur de l'action, à Londres, et faire croître son entreprise.

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Lord Kitchener sera un des premiers artistes à franchir les portes des Esquires Studios, situé au coeur de Covent Garden.

A partir du milieu des années 1950 le label d'Emil Shallit s'intéresse de plus en plus aux artistes originaires de Jamaïque.

Le label va d'ailleurs créer une subdivision spécialement dédiée aux enregistrements de Calypso : Kalypso Records.

Emil Shallit ira jusqu'en Jamaïque dénicher des talents, suivant ainsi les pas de son ami et collaborateur Bertie king.

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Dès ses premiers séjours en Jamaïque, Emil Shallit réussit à faire signer des contrats à des musiciens, comme Stanley Chine, sur son label.

En habile homme d'affaires, Emil Shallit va même racheter (quelques temps après) la totalité du catalogue de la compagnie Chine's Records.

Emil Shallit va d'ailleurs réitérer ce même deal avec Dada Touari, musicien et producteur des fameuses et rares Caribou Records.

En fait, Emil Shallit connait déjà parfaitement l'environnement musical Jamaïcain : il s'est constitué un solide réseau de contacts !

 

- Référence musicale 3 (en bas d'article) -

 

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- Affichette en 1966 (Source : RM) -

 

 

En approchant de près les nombreux musiciens Jamaïcains, Emil Shallit ne pouvait pas manquer de rencontrer les deux véritables et incontestables Boss de l'île.

Effectivement, Duke Reid et Clement Coxsone règnent incontestablement depuis longtamps en véritables maîtres sur les productions en Jamaïque.

Je vous rappelle que deux articles sont dédiés à ces immenses producteurs dans cette même rubrique "West'Indies Insula" du Cercle Modernist.

Emil Shallit va donc s'associer en affaires avec ses deux incontournables producteurs... le Duke et Coxsone craints et respectés en Jamaïque... et bien plus encore !

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Melodisc Records débute ses premières collaborations par le biais de Simeon L. Smith, et son label Hi-Lite, lui-même distribué par Duke Reid à cette époque.

En 1960, Melodisc enregistre, et distribue, pour le marché Anglais le morceau "Lonesone Lover" de Lauren Aitken, première vedette du catalogue.

Cette même année 1960, Lauren enregistre le morceau "Boogie in My Bones" qui restera près de 11 semaines à la première place des ventes aux West'Indies.

Notons que le morceau "Boogie in My Bones" de Lauren Aitken est d'abord enregistré pour Chris Blackwell, sur son tout premier label R&B Records.

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La compagnie Melodisc Records va retirer d'importants profits grâce à ce morceau, et elle le rééditera sous l'étiquette Kalypso Records.

Bref, Emil Shallit et sa compagnie Melodisc réussissent toujours à être là au meilleur moment pour conclure... les meilleures affaires !

C'est précisément durant cette première période de succès important, qu'Emile Shallit pense à se spécialiser dans cette nouvelle forme de musique.

Effectivement, Emile Shallit décide de créer à ce moment un tout nouveau label : il sait que cette nouvelle entreprise ne se fait pas en terrain hostile !

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Incontestablement, la création et la mise en route du label Blue Beat représentent bien l'aboutissement du travail réfléchi et de longue haleine d'Emil Shallit.

Emil Shallit va donc, tout d'abord, chercher un associé (et un collaborateur efficace) pour lui confier les rênes de sa toute nouvelle compagnie de disques.

Comme je l'ai déjà souligné, Emil est effectivement déjà très occupé par ses différentes affaires, en business man avisé, il investit dans différents domaines.

Il ne veut en aucun cas laisser à d'autres producteurs ce marché qu'il sait très prometteur, au vu de ses nombreuses expériences (et contacts !) en Angleterre.

 

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- Encart publicitaire circa 1962 (Source : YLM) -

 

Emil Shallit va donc trouver un associé en la personne de "Siggy"Jackson, et ce dernier n'est pas un inconnu :

"Siggy" est déjà le proche collaborateur d'Emil pour la compagnie de disques Melodisc Records à Londres.

Notons, que c'est bien "Siggy" Jackson qui choisira le nom (et le terme) Blue Beat, et désignera leur tout nouveau label en 1960.

De plus, comme le précise "Siggy" Jackson, l'utilisation du terme Blue Beat servait à désigner cette nouvelle musique Jamaïcaine "sonnant" comme du Blues Afro-Américain".

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Selon certains témoignages, il semble que "Siggy" va découvrir lui-même ce nouveau son lors de ses fréquentes participation aux différents Sound Systems.

 

N'oublions pas que "Siggy" accompagnait souvent Emil Shallit pour dénicher de nouveaux talents, avant de les chercher seul.

De plus, comme son boss, "Siggy" Jackson fréquentait assidûment les nombreuses soirées de l'île pour repérer les nouvelles pépites.

Pour "Siggy" cette musique apportait un tempo bien particulier (qu'il appelle "Big Beat"), tout en s'inspirant clairement du Rhythm'n' Blues Afro-Américain.

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  C'est sûrement pour cette raison que les participants de ces Sound Systems vont très vite désigner ce style spécifique de "Jamaïcan Blues".

Au final, le choix du terme Blue Beat semble très pertinent pour désigner cette nouvelle musique issue de cette somptueuse île des Caraïbes.

C'est le début d'une très fructueuse collaboration dédiée à Blue Beat Records, entente qui durera plus d'une dizaine d'années.

Car, même si le label Blue Beat officiellement n'existera que quelques années (plus exactement entre 1960 et 1967),

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la prolifique collaboration entre Emil Shallit et "Siggy" Jackson va en fait se prolonger jusqu'au début des années 1970.

En fait, les toutes dernières productions du label Blue Beat sortent au début des années 1970, avec entre autres "Sad News" de John Holt

 Au tout départ de l'aventure, c'est le grand Laurel Aitken qui inaugure les premières productions du duo de producteurs Shallit & Jackson.

Laurel Aitken enregistre effectivement ce tout premier single pour Blue Beat Records en 1960, avec le morceau "Boogie Rock" (BB 001).

 

- Référence musicale 4 (en bas d'article) -

 

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 - Les mythiques pochettes du label Blue Beat (Source : 75 M.N.S) -

 

 

Dès le départ, les séances d'enregistrements et les sorties de disques du label Blue Beat sont très prolifiques.

En fait, cette première année d'existence (1960) va s'avérer particulièrement chargée pour cette jeune compagnie de disques.

Au total, en comptant les singles estampillés B Series et Blue Beat Records, le label va produire plus d'une vingtaine de singles durant cette première année d'existence.

Au passage, il n'est pas inutile de préciser (ou de rappeler) que la compagnie Blue Beat Records (comme la plupart des labels West'inDies ...)

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va connaître un nombre très important de singles "doublons", dub plates, ou autres Blank Series tout au long de ses années d'existence.

En 1960 les producteurs du label, Emil Shallit et "Siggy" Jackson, réussissent le tour de force d'enregistrer un nombre impressionnant d'artistes de premier ordre.


La liste des artistes et musiciens du catalogue est vraiment extraordinaire ; et malgré sa longueur... elle vaut largement le coup d'oeil !

C'est tout d'abord Byron Lee & The Dragonairs qui enregistre le deuxième single (BB2) du label, juste quelques jours après celui de Laurel Aitken.

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Par la suite (et dans l'ordre svp) suivent Higgs and Wilson (BB3), The Jiving Juniors (BB4 et BB5), Keith and Enid (avec le magnifique "Worried About You") ;

Derrick Morgan (en solo, et accompagné par The Ebonies), Owen Grey (BB8), The Magic Notes, et Clue J. and His Blues Blasters avec "Easy Snapping" (BB15).

Suivent Chuck and Darby ("Till The End Of Time" BB19), Duke Reid and His Group (qui enregistre, cette année là, et souvent en Flip'Side, trois morceaux),

sans oublier Bobby Kingdom and The Blue Beats (BB20) et Lynn Hope avec"Shocking" et "Blue and Sentimental" (BB21).

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Au final, le tout dernier enregistrement de la compagnie pour cette prolifique année 1960 sort sous le numéro BB 24, de Duke Reid and His Group.

 

 Ce dernier sort donc "Duke Cookies" en face A (enfin !), accompagné par le groupe The Jiving Juniors et leur "I Wanna Love" en face B.

Soulignons que ces enregistrements ne vont pas tous rencontrer un succès immédiat, même si le label réussit l'exploit d'avoir un premier gros Hit.

Plus précisément, c'est le morceau "Worried Over You" de Keith and Enid (production exceptionnelle de Simeon L. Smith) qui se classe effectivement en haut des charts.

 

- Référence musicale 5 (en bas d'article) -

 

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- The Jiving Juniors circa 1960 (Source : RM) -

 

 

En fait, durant cette première période le label sort pratiquement un single par semaine (!), le marché est littéralement inondé par ses productions.


C'est aussi la période de nombreuses entourloupes et escroqueries de tous ordres, dans le milieu particulièrement féroce des producteurs Jamaïcains.

N'oublions pas, entre autres, les nombreux règlements de comptes (Gun Shout) impliquant les remuants hommes de mains (Rudies & Crashers) des producteurs.

Certaines productions sont particulièrement entachées de sombres histoires... comme avec le morceau "Oh Caroline" de Prince Buster.

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Effectivement, une mésentente sur les droits d'auteurs de ce morceau va provoquer un conflit entre Count Shakie, Cecil Campbell, Emil Shallit et Prince Buster.

Prince Buster, de son vrai nom Cecil Bustamente Campbell, tient incontestablement une place particulière dans la longue et légendaire histoire du label Blue Beat.

Notons que son prénom, Bustamente, est un hommage de son père à Alexandre Bustamente (premier ministre en Jamaïque durant la période charnière de 1962/67).

  

L'énorme et prépondérante contribution de Prince Buster aux enregistrements du label lui vaut, entre autres, le surnom de "One Man Record Company".

Prince Buster enregistrera plus d'une centaine de titres sous son propre nom, et précisément sous le fameux label au macaron bleu.

 

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 - "Célébration de l'indépendance en Jamaïque" / couverture du journal Jamaïcain Daily Cleaner le 8 Août 1962 (Source : PRM) -

 

 

En plus de ses enregistrements pour Blue Beat, Prince Buster enregistrera d'innombrables sessions pour les productions Melodisc (et ses nombreux sous-labels).

Le couronnement de Prince Buster comme "King Of Blue Beat" consacre la réussite du label, et l'empreinte de cette musique Jamaïcaine en Angleterre.

N'oublions pas que cette réussite coïncide avec le bouleversement politique de la Jamaïque et la déclaration de son indépendance le 6 Août 1962.

Cette musique Ska, jouée par Prince Buster et les autres artistes du label Blue Beat, aura justement un rôle puissant dans la formation de l'identité Jamaïcaine.

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Le Ska est une musique plus festive et dansante : le contre-temps et le rythme syncopé du Boogie Shuffle des West Indies va clairement accélérer et se renforcer.

C'est un savant équilibre accéléré entre le rythme des différents instruments : guitares, contrebasses, cuivres, claviers et batteries jouent un quatre temps endiablé !

Le Ska illustre bien cette joie, cette nouvelle insouciance, de l'ensemble de la société Jamaïciane lors des premiers moments de sa jeune indépendance.

C'est aussi une part de cette nouvelle "liberté" et exotisme que recherchaient les nombreux fans et acheteurs des productions Blue Beat en Angleterre.

 

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- Roy Kildaire (BB226) en 1964 (Source : 75 M.N.S ) -

 

La popularité et le succès de ces nouveaux rythmes, issus de cette île des Caraïbes, est tellement importante en Angleterre,

qu'elle donne la possibilité au label Blue Beat de développer différents projets novateurs et d'importances directement à Londres.

Tout en multipliant les succès (plus de 10 000 exemplaires de ventes, dont un nombre important de morceaux de Prince Buster...),

la compagnie d'Emil Shallit, sous l'impulsion de "Siggy" Jackson qui est présent en Angleterre, anime des soirées Blue Beat au Marquee Club à Londres.

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De plus, pragmatique, "Siggy" met en place un commerce de vente de produits dérivés Blue Beat, et rend ainsi le label au macaron bleu de plus en plus connu.

La popularité du label Blue Beat profitera même à ses concurrents directs en leur permettant d'accéder au marché grâce à la popularité du son des West Indies !


Comme avec l'incroyable et passionnante aventure du couple de producteurs Rita et Benny Izons Aka "King", installé au départ dans le Nord de l'Angleterre.

Ces deux immigrants Juifs vont effectivement créer plusieurs compagnies de disques, toutes dédiées aux Ska et Rock-Steady durant les années 1963 à 1967

 

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 - Prince Buster (Source : RM) -

 

Le parcours de Rita et Benny Izons Aka "King" illustre parfaitement ce milieu des producteurs de musique en Jamaïque durant les années 1960.


Un environnement certainement violent, comme je l'ai maintes fois souligné ; mais aussi un lieu de créations et d'échanges artistiques intenses.

 •

Notons, au passage, que c'est une particularité artistique musicale qui reste toujours d'actualité de nos jours en Jamaïque.

Même si la qualité des oeuvres n'est pas toujours (très rarement même ...) présentes dans les productions actuelles (New Roots etc ..),

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les jeunes producteurs de Kinston "G's City" réussissent toujours à produire leurs propres "sons" grâce à une légendaire et authentique "débroulliardise" (YzbKartel).

Pour Rita et Benny Izons, c'est à partir de leur première sociéte de disques, R&B Discs, que le couple va créer et diriger 4 labels entre 1963 et 1967.

Plus précisément, c'est donc en 1963 que Rita et Benny créent R&B Discs (1963 à 1965), en 1964 le couple met sur pieds King Records et Port-Jam Records.

Port-Jam Records est mis en place avec Coxsone Dodd producteur totalement incontournable de l'île (voir notre article dans cette rubrique "West'Indies Insula").

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En 1965, c'est au tour du label Ska Beat d'être mis en route sur le marché des disques vinyles : c'est clairement la plus belle réussite de ce couple d'immigrant Juifs !

Ce nouveau label Ska Beat va tout de même enregistrer et sortir pas moins de 300 titres (!!!) entre 1965 et 1967 sur le marché des disques Anglais.

Un marché Anglais totalement conquis par les productions Blue Beat, qui bénéficient également d'une large diffusion grâce aux différents Clubs en vogue.

En plus des soirées Blue Beat organisées par "Siggy" au Marquee Club de Londres, comme nous l'avons vu auparavant, les disques Blue Beat sont joués partout !

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Comme, par exemple, au Twisted Wheel Club à Manchester qui passe régulièrement les morceaux du label au macaron bleu pour le plus grand plaisir des danseurs (euses).

Les disques Blue Beat sont particulièrement appréciés, ces nouvelles sonorités Caribéennes amènent une fraîcheur et une tonalité musicale entrainante.

C'est une période où l'influence du Blue Beat Sound est partout : Georgie Fame & The Blue Flames sort par exemple son EP'single "Rhythm and Blue Beat" en 1964.

•   

Période clairement primordiale dans la constitution de la culture Modernist, et  régulièrement abordée dans les différents articles du Cercle Modernist.

 

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 - Twisted Wheel Club à Manchester en Angleterre (Source : S@S) -

 

Ce "Blue Beat Sound" si caractéristique est encore de nos jours fortement apprécié (et collectionné avec ferveur) par la Smart Modernist internatiOnal'Crowd.

Incontestablement, certains des meilleurs Mod'Operators actuels comme nos amis Daniel Jamaica, des Original Mods Teramo (O.M.T) en Italie,

et Dani Straight'Up du Take'iVy Club & Boss'Sound de Barcelona, savent justement nous apporter cette Blue'Beat Touch de grande qualité.

Cette longue et puissante vague de Ska et Rock'Steady, que Blue Beat Records va judicieusement accompagner, va pourtant commencer à faiblir.

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Bien justement, dès les années 1965/66 Emil Shallit et "Siggy" Jackson ont bien compris la fin de cette intérêt du public pour le Ska et Rock'Steady.

Les premiers succès et le triomphe du label et de ses vedettes, portés par la vague optimiste de la nouvelle indépendance en Jamaïque, semblent biens loin !...

En producteurs avisés, les deux compères sentent l'importance du changement imminent : ils se préparent et méthodiquement créent un nouveau sous-label.

En 1966, ou plus précisément fin 1965 avec le single FAB1 (enregistré par Phase 4), que le tout nouveau label Fab Records est mis en route.

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Durant la toute première année d'existence du label en 1966, seuls 4 singles vont sortir sous l'étiquette Fab Records.

En fait, Fab Rencords trouvera son rythme de croisière en 1967 (12 singles) avec la disparition de Blue Beat Records.

Face à la baisse des succès et des ventes du label Blue Beat, Emil Shallit avait tout de même trouvé le moyen de rester toujours en vogue.

Emil, l'habile producteur de Melodisc va encore réussir l'exploit d'accompagner la nouvelle tendance musicale Jamaïcaine !

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Effectivement Melodisc produit les prémices du Early Reggae en enregistrant des artistes comme The Wailers, Hortense Hellis, ou The Soul Tops.

Soulignons au passage que Prince Buster va rester fidéle à son ancien Boss en enregistrant prés d'une dizaine de morceaux pour Fab Records.

En poursuivvant sa fantastique carrière auprès de Fab Records, après ses années de succès et de triomphe avec Blue Beat Records,

Prince Buster illustre parfaitement cette solide continuité, ce véritable passage de flambeau entre ces deux labels.

 

 - Référence musicale 6 (en bas d'article) -

 

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- Livre "Suedehead" par Richard Allen en 1971 (Source : PB) -

 

 

Le label Fab est clairement mis en route pour prendre le relais de Blue Beat, et surtout ne pas rater les "nouvelles sonorités à la mode".

Au final, Blue Beat Records va enregistrer et sortir plus de 400 singles (!!!) entre 1960 et 1967, sans oublier ses magnifiques et légendaires LP's .

N'oublions pas que c'est d'abord et justement la même idée (et la même démarche musicale) qui vont être mis en place pour la création de Blue Beat Records.

 ♠

En l'occurrence, ce sont des artistes de Calypso qui vont s'adapter, et transformer leur style de jeu musical pour interpréter du Ska, puis du Rock'Steady.

Blue Beat reste à jamais un label légendaire, une compagnie de disques au macaron bleu indissociable des meilleures années du West'Indies Sound.

Une musique Jamaïcaine qui a toujours réussi à se transformer et à se renouveler, en puisant sa force au coeur de ses riches et profondes racines.

 

Alexandre Saillide-Ulysse

 

75 M.N.S ® !

 

Sources :

 

- Yannick Maréchal "L'encyclopédie du Reggae 1960-1980" - Editions Alternatives2005

- Sebastien Clarcke "Les Racines du Reggae" - Editions Caribéennes, Paris, 1991

- Isabelle Leymarie "Du Tango au Reggae : Musiques Noires d'Amérique Latine et des Caraïbes", Editions Flammarion, Paris, 1995

- Jérémie Kroubo Dagnini "Les Origines du Reggae, retour aux sources ..." - Editions l'Harmmatan (Univers Musical), Paris, 2008

- "Natty Dread" Magazine, divers numéros 1980 à 2004

 

 

Références musicales :

 

- Sélection 1 : Prince Buster "Blue Beat Spirit" - Blue Beat Records (BB211) - 1964

- Sélection 2 : Duke Reid & His Group "Duke's Cookies" - Blue Beat Records (BB24) - 1960

- Sélection 3 : Duke Reid Band "The Moood I Am In" - Blue Beat Records (BB165) - 1963

- Sélection 4 : Keith & Enid "Worried Over You" - Blue Beat Records (BB6) - 1960

- Sélection 5 : The Jiving Juniors "Lollipop Girl" - Blue Beat Records (BB4) - 1960

- Sélection 6 : Kinston Pete "Little Boy Blue" - Blue Beat Records (403) - 1967



26/04/2018
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