Le Cercle Modernist

Le Cercle Modernist

Ray “Manos Duras” Barretto

Photo_1.jpg

- Ray Barretto (Source : WBA) - 

 

Le mythique "Conguero" Ray Barretto dit "Manos Duras" est, sans aucun doute, le plus illustre représentant de la musique Salsa, également dénommée "Latin Jazz". L'immense Ray Barretto est un artiste musicien "Congeros" d'exception qui va faire découvrir aux quatre coins du Monde les irrésistibles rythmes de la grande musique Latino.

La virtuosité de ses prestations de percussionniste, et sa passion pour les rythmes des Caraïbes et du continent Africain vont marquer à jamais la musique contemporaine. Ses innombrables collaborations avec la plupart des vedettes musicales en vogue l'inscrive comme un des plus grands influenceurs de son temps.

 

c3c6e128082e519e1cfaf37c2b27a69d.jpg

 

L'ensorcelant rythme des Congas de Ray Barretto évoque immanquablement l'atmosphère festive des meilleurs Clubs Modernists. Depuis plusieurs générations, les Mods dansent sur les fantastiques morceaux du grand maître des Congas. Ces morceaux entraînants, et exotiques, sont devenus des composants essentiels pour toutes festivités Modernist.

De véritables pépites de vinyles, comme "Soul Drummer" ou encore "Hard Hands", passent toujours avec une grande ferveur sur les platines des meilleurs Mod'Operators. Finalement, XXIe siècle, Les irrésistibles compostions musicales du "Senor" Ray Barretto sont encore très largement plébiscités par l'élégant public, sur les pistes de danses enflammées.

 

- Référence musicale 1 (en bas d'article) -

 

ray-barretto-albums.jpg

- Ray Barretto dit "Manos Duras" (Source : RB/FS) -

 

Raimundo "Ray" Barretto

(1929/2006)

 

New-York City est depuis ses origines le lieu d’un intense brassage de populations, bien plus encore que d'autres mégalopoles dans le monde comme Paris, Barcelone, ou Londres. La Big Aplle connaît alors une diversité ethnique particulièrement importante. La plupart des quartiers de la ville New York vont être peuplés par des communautés spécifiques issues des nombreuses et différentes immigrations. Une immigration qui va littéralement constituer les Etats-Unis d'Amérique.

Durant les années 1920, deux habitants sur cinq sont nés hors du territoire des États-Unis, avec en particulier les Européens , mais également des Africains, des Caribéens, et aussi des Asiatiques. L'incroyable film du réalisateur Martin Scorsese "Gang Of New York", sorti en 2002, relate justement avec maestria la période des immigrations successives qui vont arriver à New York durant la fin du XIXe siècle. Ce film permet de comprendre la véritable guerre de territoire qui existait alors entre les différentes communautés, un passé sanglant qui va forger l'âme de la Big Apple.

 Parmi les nombreux quartiers de New York qui sont inclus dans cette guerre des territoires, le quartier de l'East Harlem va tout d'abord être peuplé par les populations venues d'Italie à la fin du XIXe siècle ; et plus particulièrement du Mezzogiorno, le sud rural. Durant cette période, ce quartier est d'ailleurs connu sous le nom de "Little Italy", devenus célèbre pour ses Bars et restaurants véritables repères des familles de la Cosa Nostra de New York City.

 

c3c6e128082e519e1cfaf37c2b27a69d.jpg

 

Mais, dès la fin des années 1940, le quartier de l'East Harlem se transforme et  devient petit à petit le "Barrio Latino". Comme son nom l'indique, c'est désormais un quartier majoritairement peuplé de populations d'origine Hispanique. Dans les années 1930, on estime qu’environ 1000 Portoricains s’installent à East Harlem chaque mois : la transformation en "Barrio Latino" de l'ensemble du quartier est en marche !

C'est dans cet environnement urbain et démographique très particulier que Ray Barretto voit donc le jour. Ses parents sont  justement arrivés en provenance de l'île de Porto Rico, au tout début des années 1920Ray Barretto, de son vrai nom Raimundo Barretto, va effectivement naître le 29 Avril 1929 à New York City, dans les quartiers habités par les nombreux migrants provenant des Caraïbes et d'Amérique du Sud qui cherchent légitiment a améliorer leur existence misérable.

Ses parents sont  justement arrivés de Porto Rico au début des années 1920, comme beaucoup d'autres migrants qui cherchent a améliorer leurs pauvres existences. Tout jeune, Raimundo Barretto découvre avec bonheur la musique Afro/Américaine et ses grands orchestres de Swing (Count Basie, Benny Goodman, Duke Ellington) à travers le poste de radio de ses parents, très souvent allumé pour les occuper pendant leurs longues absences dues au travail.

 

- Référence musicale 2 (en bas d'article) -

 

2d9c9b4d-eb11-4571-8d45-a18b5e89f026.jpg

- New York City "Spanish Harlem" durant les années 1950 (Source : MA) -

 

La mère du jeune Raimundo Barretto va l'amener plusieurs fois voir la formation Machito Orchestra, le très célèbre orchestre Afro/Cubain du grand percussionniste Francisco Raul Guttiérrez Grillo dit Machito (1912-1984). Raimundo est littéralement fasciné par ce spectacle : il se glisse souvent devant la scène, lors de ses concerts, pour ne rien perdre des prestations des musiciens.

Après ses premières années à New York City, le jeune homme doit effectuer son service militaire obligatoire au sein de l'U.S Armycomme beaucoup de jeunes gens de son âge issus de l'immigration il espère ainsi améliorer son existence et surtout trouver une forme de reconnaissance. C'est durant cette période que Ray Barretto va réellement prendre contact avec la musique, et le public.

Raimundo Barretto va donc effectuer son service militaire en Europe en 1946 dans les bases de l'U.S Army située dans la ville de Munich en Allemagne. Il joue dans différents Bars et Clubs, c'est durant cette période qu'il approfondi sa connaissance de la musique Afro Cubaine et Américaine. Les musiciens de Jazz et de Blues sont effectivement très nombreux au sein de l'important contingent de soldats, dont une partie non négligeable est justement d'origine Afro/Américaine.

 

c3c6e128082e519e1cfaf37c2b27a69d.jpg

 

En 1949, quand Raimundo Barretto quitte l'U.S Army, il décide de continuer ses expériences musicales en s'engageant dans diverses formations. Il joue de son instrument de prédilection, les Congas, avec virtuosité et grande facilité. Le Conga, tambour et instrument de percussion de prédilection des musiciens Cubains et Latinos à partir du XVIIIe siècle, est en fait originaire du Congo en Afrique : il arrive avec les esclaves venus d'Afrique. Originellement dénommée Tumbadora sur l'île de Cuba, la dénomination Conga vient elle de la Havane et de son Carnaval.

Durant cette période de tournée et de concerts incessants à New York et dans d'autres villes aux Etats-Unis, Ray Barretto rencontre Charlie Parker. Le grand maître du Jazz Charlie Parker est tout de suite impressionné par la virtuosité du percussionniste. Ray Barretto est ainsi invité a se produire avec Charlie Parker, durant cette même période il rencontre d'autres grandes figures de la scène musicale. Parmi ses nombreuses rencontres, celle avec Tito Puente va marquer la suite de sa carrière.

C'est effectivement avec Tito Puente que Ray Barretto va débuter une très fructueuse collaboration qui va durer de nombreuses années, et donner de nombreux chefs d'oeuvres à la musique contemporaine. Tito Puente (1923-2000) tout comme Ray Barretto, s'installe à New York City, sept années avant Ray en 1942 exactement, après avoir effectué lui même son service militaire pour l'U.S Army. Les deux artistes deviennent vite ami, de par leur passion commune pour la musique Afro-Américaine. 

 

Référence musicale (en bas d'article) - 

 

02522ea8c6b84de2f41850efac329599.jpg

 - l'orchestre de Tito Puente avec Ray Barretto au congas à droite (Source : BM) -

 

 Quand leur collaboration débute, Tito Puente est déjà à la tête de sa propre formation depuis 1947. Il dirige d'une main de maître son orchestre dénommé "Piccadilly Boys". Tout en étant un musicien créateur et interprète de grand génie, Tito Puente possède en plus la grande particularité d'être un artiste multi instrumentiste de très haute volée. Ce n'est pas un hasard si Tito Puente est un chef d'orchestre reconnu et respecté.

Effectivement, Tito Puente maitrise différents instruments à merveille. Durant ses jeunes années il va apprendre la musique en jouant alternativement sur les traditionnels Congas, tout en jouant du saxophone, du piano, et également de la clarinette ! Tito Puente maîtrise donc une partie non négligeable des instruments utilisés par les musiciens des formations et orchestres, de musique Latino, comme de type "Charanga", 

Tout en intégrant Ray Barretto, à la toute fin des années 1940 dans sa formation, Tito Puente est aussi accompagné dans son fantastique orchestre par de nombreuses Stars de la musique Latino comme entre autres Mongo Santamaria, Willie Bobo, Johnny Pacheco, Patato Valdés, Manny Oquendo, et donc Ray Barretto qui confirme brillamment son surnom de "Manos Duras".

 

c3c6e128082e519e1cfaf37c2b27a69d.jpg

 

C'est surtout grâce à Tito Puente, et sa grande notoriété, que Ray Barretto acquiert un énorme succès auprès d'un large public. Le spectacle impressionnant et virevoltant des percussions de Ray Barretto s'associe parfaitement avec le Swing et le charisme insufflé par le chef de l'orchestre Tito Puente. Cet orchestre va jouer les "envolées" les plus incroyables et endiablés de son époque, le public faisait de longues heures de queues pour les admirer en concert.

  A partir de l'année 1957 l'artiste Ray Barretto peut donc prendre enfin son envol seul. Il peut donc sortir ses premiers disques vinyles, sous sous propre nom "Ray Barreto & His Orchestra". Il sort son tout premier vinyle pour la compagnie de disques Jazz Riverside Records, dont nous avons justement consacré un article dans la rubrique "Race Music / Jazz Au Clair" du "Cercle Modernist".

Comme de nombreuses vedettes de la scène Latino, Ray Barretto va rapidement signer pour l'emblématique compagnie de disques Tico Records pour qui il enregistre en 1963, sous le nom de Ray Barretto Y Su Charanga Moderna (formation qu'il vient de mettre sur pieds) son grand succès "El Warusi" et "Ritmo Sabroso" (Tico Records 419). Cette même année 1963 Tico Records sort pas moins de trois autres singles de Ray Barretto, dont "El Bantu" et l'irrésistible "Mr Blah Blah" (Tico Records 422).

 

- Référence musicale (en bas d'article) -

 

ray-barretto.jpg

- Ray Barretto (Source : 75 M.N.S®) -

 

 L'histoire de la compagnie de disques Tico Records est indissociable de la scène musicale Afro-Cubaine et Latino. Dès ses premiers balbutiements, cette scène musicale va bénéficier de l'appui de compagnies de disques commercialement attirées par des perspectives de ventes décuplées. Ce label prolifique de grande qualité va enregistrer les plus belles productions de cette musique exotique très entraînante.

Le label Tico Records va être fondé en 1948 par monsieur George GoldnerCe dernier est un vendeur très doué qui va devenir impresario musical, tout en étant le propriétaire de divers Clubs de danse. Des établissements justement très fréquentés par le public de musique Latino féru de danse. Tout en étant un homme d'affaires bien avisé, George Goldner est un grand passionné de musique, qui veut constituer la meilleure écurie de vedettes pour son label.  

Le siège social et les bureaux de la nouvelle compagnie de disques appartenant a Georges Goldner est situé au 659Th Avenue, à New York CityC'est avec le Disc Jockey très en vogue à New York  Art "Pancho" Raymond qu'il lance la compagnie de disques Tico Records en se spécialisant dès ses premières productions dans les meilleurs sons des Clubs Latinos de la Big Apple, appelé "circuit Chucifrito" en référence aux lieux obscures et souterrains ou ces artistes se produisaient.

 

c3c6e128082e519e1cfaf37c2b27a69d.jpg

 

Avec Ray Barretto, de nombreux autres talentueux musiciens vont enregistrer d'innombrables succès sous l'étiquette du label Tico Records. Malgré ses différents succès de ventes et classements élogieux dans les meilleurs Charts, le label de Georges Goldner va connaître une série de changements et de difficultés. C'est la situation des finances de l'homme d'affaire qui provoquera la chute de la compagnie.

 Pourtant, Ray Barretto va grandement et incontestablement participer a cette renommée internationale que va acquérir label Tico et Georges Goldner. N'oublions pas que "Manos Duras" va même être, durant une période, la principale vedette de l'imposante écurie proposée par Georges Goldner, et depuis les premières années d'existence de sa compagnie de disques.

En 1957, alors que les dettes s’accumulent en raison des habitudes de jeu, Goldner vend des parts de ses affaires, y compris Tico Records, à Morris Levy. Même si Georges Goldner est resté impliqué de façon créative, en 1974 Tico a été vendu à Fania Records, autre grand label musical entièrement dédié à ce style musical appelé Latin Soul & Jazz. De nos jours, Tico Records est un label collectionné, dont les vinyles sont prisés par les collectionneurs de disques.



- Référence musicale (en bas d'article) -

 

71366.jpeg

- Affiche concert 1986 (Source : 75 M.N.S®) -

  

 Ray Barretto va rejoindre le nouveau label Fania Records dès 1968. Dès qu'il a signé son contrat avec la compagnie de disques, il enregistre et sort de fabuleux morceaux comme "Mercy Mercy Baby" ou le fantastique "Soul Drummer" (Fania 452). Il va multiplier les succès de ventes pour sa nouvelle compagnie, et la pousser vers une reconnaissance internationale.

Car, la compagnie de disques Fania Records est effectivement le nouveau label en vogue au sein de la communauté Latino, il reprend le flambeau brillamment allumé précédemment par Tico Records. La communauté Hispanique et Latino retrouve ainsi une compagnie dédiée à sa musique chérie. Mais, le monde entier va aussi et bien heureusement profiter de cette exaltante musique.

Tout en enregistrant ses propres morceaux, en multipliant les succès, Ray Barretto va également participer a de nombreux enregistrements pour d'autres formations ou artistes. La virtuosité de son jeu, et la puissance du Swing aux Congas font de lui le maître incontesté des percussionnistes. Ray Barrretto va ainsi enregistrer pour les plus prestigieux labels de Jazz de son temps : Prestige, Blue Note, tout en réenregistrant également pour Riverside Records.

 

c3c6e128082e519e1cfaf37c2b27a69d.jpg

 

Une de ses plus belles collaborations est sans aucun doute celle effectuée auprès de Herbie Mann, le géniale flûtiste de Jazz, mais cette fois pour le label Columbia Records. Durant  ces années Ray Barretto va clairement s'imposer partout, en mettant subtilement sa touche de musique Latino. Le maître es Congas accompagne désormais les meilleurs artistes Jazzmen Afro/Américains sur toute les scènes du monde.

 Durant cette période, le nombre d'enregistrements effectués par Ray Barretto sont donc très nombreux, sans compter la distribution planétaire de ses tubes aux quatre coins du monde par le biais de la radio. Un véritable engouement va s'emparer d'une grande partie du monde Occidental pour la musique joyeuse et colorée du Salsero.

Les classements dans les meilleures places des Charts de ses morceaux, et leur importante diffusion radiophonique, placent Ray Barretto comme vedette Latino incontournable. Une musique Latino complétement dans "l'air du temps" qui séduit l'ensemble des musiciens, qui se bousculent pour participer aux "jam sessions", et qui fait danser le public dans les Clubs à travers la planète. Comme souligné auparavant, le tout premier Hit de Ray Barretto est "El Watusi", un titre qui remplit encore les Dance Floor des meilleures soirées Mod

 

Référence musicale (en bas d'article) -

 

 corso.jpg

- Affiche Concert 1974 New York City (Source : TBM) - 

 

En 1965, Ray "Manos Duras" Barretto est recruté par la compagnie de disque United Artist Records. La compagnie United Artists est un authentique "Major Label" qui cherche justement a étoffer son écurie en recrutant de nouvelles vedettes issue de la scène musicale en vogue. Lorsque Ray Barretto signe son contrat, la compagnie United Artists est déjà une entreprise en pleine réussite.

Fondé en 1957 par Max E.Youngstein, la compagnie de disques United Artists Records se spécialise tout d'abord dans les musiques de films, et la Country Music. Effectivemement, ce n'est que quelques années plus tard que la label United Artists décide de s'intéresser plus particulièrement à la musique Afro-Américaine aux sonorités Afro-Cubaines et Latines.

De nouveaux sons Latins, dont le public est très friand, que la compagnie de disques United Records veut absolument capter pour développer ses ventes et distancer la féroce concurrence qui fait dans l'industrie du disques dans les années 1960. La signature du contrat de Ray Barretto pour United Artists est donc, tout d'abord, motivé par l'opportunisme et la volonté de développement commercial du propriétaire Max E.Youngstein.

 

c3c6e128082e519e1cfaf37c2b27a69d.jpg

 

Cette collaboration va finalement s'avérer très fructueuse, Ray Barretto va enregistrer pas moins de 4 Albums Lp pour le label United Artists, entre 1965 et 1967. Durant ses deux années, très pleines et intenses, Ray Barretto, sort de nombreux morceaux qui vont devenir de véritables succès commerciaux, et de grands "standards". La qualité de production de ce label est supérieure, les enregistrements sont bien meilleurs.

Parmi ses nombreuses réalisations musicales, une mention spéciale est à donnée à l'excellent album sorti en 1996 "El Ray Criollo" (United Artists Records 6543). Un album d'anthologie qui contient d'authentiques perles musicales, dont le très dansant "Salsa Y Dulzura". Un morceau qui va se hisser aux toutes premières places des classements, surtout en Amérique du Sud.

En 1967, quand Ray Barretto décide de quitter United Artists Records, il signe et rejoint le catalogue du nouveau label de musique Latino Fania Records en vogue aux Etats-Unis. Ray Barretto va sortir son premier single pour Fania Records en 1968 "Mercy, Mercy Baby" et "Soul Drummer" (Fania Records 454) qui se hissent très rapidement dans les meilleures places des Charts. Le premier Lp sorti par Ray pour Fania Records va devenir un véritable hymne pour la musique Latino avec l'emblématique morceaux "Acid" (Fania Records SPL-346). 

 

Référence musicale (en bas d'article) -

ae459dfaa2bcce13c06168324bfe7de6.jpg
     - Affiche concert en 1968 (Source : LM/RG) -

 

Durant ses années auprès de la compagnie de disques Fania Records Ray Barretto va enregistrer ses plus belles compositions. Ray Barretto en avait parfaitement conscience, et avait trouvé dans sa musique une grande liberté et une nouvelle ouverture d'esprit qui l'inspiraient. D'une humilité à toute épreuve, il s'interrogeait constamment sur la valeur patrimoniale de sa musique et sa pérennité dans le temps.

Ray Barretto reconnaissait même avec une grande humilité avoir parfois eu la tentation de suivre une voie plus facile, en acceptant des propositions alléchantes plus commerciales. Demeurer intègre est une rigueur que tout véritable artiste doit s'imposer pour être légitime aux yeux de son public. Un véritable dilemme que Ray Barretto semblait appréhender avec un caractère nature.

 •

Bien malgré lui, Ray Barretto va donc se retrouver étiqueté musicien de type "Salsero". Membre ponctuel du Jazz Latin Combo d'Eddie Bonnemere, il se produit également en compagnie de Celia Cruz, de Rubén Blades, de Willie Colon et même de Johnny Pacheco. Mais jamais il n'accepte de rompre avec la musique Jazz Be'Bop, devenu plus tard Hard Bop ; comme il est rappelé dans la rubrique "Race Music / Jazz" du "Cercle Modernist").

 

c3c6e128082e519e1cfaf37c2b27a69d.jpg

 

Même au plus fort de son association avec Fania Records, Ray Barretto va continuer de répondre avec empressement aux invitations des différents studios d'enregistrement pour participer a des séances pour Freddie Hubbard, Herbie Mann, ou encore Dizzy Gillespie. Un peu plus tard , durant les années 1970 (en  1974 plus exactement) Ray Barretto participe activement à un événement majeur à Kinshasa au Zaïre, le Congo actuel.

Ray Barretto va effectivement être partie prenante dans les préambules tumultueux du combat de boxe Anglaise entre Muhammad Ali et George Foreman. Le président Mobutu avait invité une armada de mélodistes insomniaques, de divas funky et de Bluesmen contrariés pour faire patienter le stade, et redorer son image. Ray Barretto, de ses deux mètres qui lui servait de corps, avait soulevé une conga à hauteur du visage. Il l'avait ensuite cognée sur le plancher, comme mille générations de percussionnistes noirs avant lui.

L'incroyable puissance de son jeu de percussion ne se faisait pas sans douleur pour Ray Barretto. Le musicien n'hésitait pas a s'entrainer inlassablement durant des heures en mettant ainsi à mal ses mains qui saignaient couramment. A ce propos, Ray Barretto avait justement déclaré " Depuis mes débuts, j'ai mal aux mains. Les doigts ne sont pas faits pour frapper des percussions. Ils sont faits pour peindre, les doigts, ils sont faits pour écrire. Alors, je souffre, mais je me dis: ?Et si cette douleur figurait le droit de passage que tu offrais, jour et nuit, à tes notes ?"

 

 - Référence musicale (en bas d'article) -

 

ray-barretto-49381-batterie-affiche-ancienne.jpg.960x0_q85_upscale.jpg

 - Ray Barretto circa 1985 (Source : 75 M.N.S®) -

 

Grâce a une forte personnalité et un charisme impressionnant, Ray Barretto s'impose rapidement lorsqu'il rejoint Fania Recors. Il est immédiatement intégré au "bataillon" de musiciens pan-Américain qui composent la très fameuse formation des Fania All Stars. Ces derniers vont vite devenir les meilleurs représentants du label, et surtout de la musique Hispano Caraïbéenne.

Ray barretto, sans le vouloir, a choisit le meilleur moment pour intégrer cette compagnie de disques. après son arrivée il devient immédiatement le nouveau directeur musical pour Fania Records. Immunisé contre le sectarisme, Ray Barretto est un jouisseur, il aborde la vie avec positivité et force. Ses mains géniales et meurtries de "Salsero" et de "Congeros" deviennent synonyme du "rythmo latino". 

Plus tard, en 1979, lorsque est affiché depuis longtemps l'acte de naissance de la musique Salsa, Ray Barretto sort son classique "Ricanstruction", véritable plaidoyer pour une table rase et une renaissance musicale. Ray Barretto est le second musicien hispanique, après l'immense Paquito D'Rivera, à avoir obtenu la médaille de "maître du Jazz". Une authentique consécration pour le "Congeros" reconnu comme le nouveau représentant des musiques Latines dans les années 1990.

 

c3c6e128082e519e1cfaf37c2b27a69d.jpg

 

Ces dernières années, Ray Barretto a inlassablement continué d'effectuer ses majestueuses prestations de percussions au sein de sa toute nouvelle formation New World Spirit. Pour ceux qui ont eu la grande chance de le voir en concert durant les années 2000, l'énergie et la vitalité de Ray Barretto semblait intacte. Un bonheur, et un honneur, que j'ai eu grâce a deux de ses inoubliables concerts que ce maître a offert a la ville de Paris.

Dans cette formation, au nom bien évocateur de New World Spirit,  Ray Barretto mélange avec ferveur ses différentes passions musicales. Le grand maître des percussions Afro-Cubaines est d'ailleurs venu à la tête de son "New World Spirit", durant l'été 2000, dans notre superbe capitale Paris dans le cadre du "Paris Jazz Festival". En très grande forme, Ray Barretto avait littéralement régalé le nombreux public Parisien, en effectuant un Show qui restera immanquablement dans les annales.

Après de multiples opérations, Ray avait subi un quintuple pontage coronarien et il souffrait de pneumonie, Ray Barretto est finalement décédé au Centre médical de l'université d'Hackensack entouré et choyé par son épouse et ses deux fils à son chevet. "Il souffrait trop, alors Dieu l'a rappelé à lui", a déclaré à San Juan (Porto Rico) Fidel Estrada, un ami proche de la famille.



 - Référence musicale 9 (en bas d'article) -

 

2005_ray_barretto-ok-ip_0.jpg

- Ray Barretto à Paris en 2000 (Source : LP) -

 

Ray Barretto va donc malheureusement disparaître le vendredi 17 février 2006 à l'âge de 76 ans à Hackensack, dans le New Jersey, là où la plupart des pépites de la compagnie de disques Blue Note avaient été gravés. La disparition du maître est saluée par l'ensemble du monde musical, et plus particulièrement par la scène de la musique Jazz Afro/Américaine.

En nous quittant, Ray Barretto laisse tout un public orphelin et conscient de la perte d'un des géants de la musique du XXe siècle. Sa perte est immense, même si son leg à l'ensemble de la musique contemporaine n'est pas encore totalement reconnu. Mais bien heureusement, l'oeuvre inestimable du génial Congeros continuera de faire sourire et danser à jamais la terre entière.

 

c3c6e128082e519e1cfaf37c2b27a69d.jpg

 

La culture Modernist, a travers différentes voies, rend très souvent hommage a ce maître regretté des percussions Latino. Nombreux sont les morceaux du Congeros Ray Barretto qui font encore les beaux jours des Clubs Mods à travers la planète. Tout dernièrement, ce n'est pas un hasard si le prix de la plupart des disques vinyles du maestro Salsero augmentent significativement.  

Avant le début de la crise et les restrictions provoquées par la propagation du virus de la Covid-19,lors de la dernière session du "Club du Cercle Modernist" aux "Tontons Flingueurs" à Paris dans le XVIIIéme arrondissement, nous avions justement rendu hommage au grand Ray Barretto à travers un set composé de vinyles rares du Maestro Latino (dont les fameuses éditions néerlandaises).

 

Alexandre Saillide-Ulysse

75 M.N.S®

Sources :

 

- Lucien Maison "Histoire du Jazz", éditions Seuil/Solfèges, Paris, 1976 (mis à jour 1994)  

- Isabelle Leymarie "Salsa et Latin Jazz", éditions PUF, Paris, 1993

- Isabelle Leymarie "Cuban Fire The Story Of Salsa and Latin Jazz", éditions Continnum, Londres, 1997

François Xavier Gomez "Les Musiques Cubaines", éditions LJL, Paris, 1999

- Willian Navarrete "Cuba La Musique en Exil", éditions l'Harmattan, Paris, 2004

- Divers numéros des Magazines "Soul Bag", "Jazz Magazine", et  "Jazz Time". 

 

Références musicales :



- Sélection 1 : Ray Barretto Charanga Orchestra "Jazz Pachanga" - Riverside Records (45-463) - 1961 

- Sélection 2 : Ray Barretto Y Su Charanga Moderna "El Watusi" - Tico Records (419) - 1963

- Sélection 3 : Tito Puente And His Orchestra "Mambo Diablo" - Tico Records (143) - 1963

- Sélection 4 : Ray Barretto and His Orchestra "Mr Blah Blah" - Tico Records (422) - 1963

- Sélection 5 : Ray Barretto "Do You Dig It" - United Artist Records (50176) -1967

- Sélection 6 : Ray Barretto "Ska Cha (The Thing To Do) - Tico Records (436) - 1964

- Sélection 7 : Ray Barretto "Hard Hands" - Fania Records (477) - 1968

- Sélection 8 : Ray Barretto "New York Soul" - Fania Records (501) - 1969

- Sélection 9 : Ray Barretto "Indestructible" - Fania Records (680) - 1973



05/05/2021
0 Poster un commentaire

A découvrir aussi


Inscrivez-vous au blog

Soyez prévenu par email des prochaines mises à jour

Rejoignez les 705 autres membres