Le Cercle Modernist

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Tico Records

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- Logo de la compagnie de disques Tico Records (Source : TR/LM) -

  

Ce tout nouvel article de la rubrique "Latin Side" du "Cercle Modernist" est entièrement consacré à la légendaire et mythique compagnie de disques Tico Records, véritable "porte flambeau" de la trépidante et authentique musique des grands Salseros Latinos, aux Etats-Unis d'Amérique.

Pour l'ensemble des Mods aux quatre coins du monde, et la culture musicale Modernist, le label Tico Records est assurément synonyme de danses, de fêtes, et de célébrations. En ce début du XXIe siècle, les meilleurs morceaux du catalogue Tico Records sont toujours très largement plébiscités par les danseurs Mods dans les meilleurs Clubs.

 

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Il n’y a probablement aucune forme de musique populaire plus sous-estimée aux États-Unis que la musique dite "Latino". Pourtant, l'apport de ce style spécifique à l'ensemble du monde musical va avoir un impact considérable en influençant un très grand nombre d'artistes dans des domaines culturels très hétérogènes dès le milieu du XXe siècle.

La démarche novatrice de la compagnie de disques Tico Records va très largement participer à l'explosion de ce style musical exotique qui trouve une grande partie de ses influences dans les musiques Afro-Américaines. Le Latin' Jazz va ainsi irriguer différentes scènes, dont justement celle des Mods, en devenant ainsi un des ingrédients essentiels permettant l'entière réussite d'une soirée festive. 

 

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 - The Teatro Puerto Rico à New York City en 1955 (Source : NPS) -

 

Latin' Symphonia Historia

 

La compagnie de disques Tico Records est, tout d'abord, l'héritière d'un passé musical déjà riche pour la musique dite Latino aux Etats-Unis d'Amérique. Dés les années 1930, des morceaux de musiques dites Latines rencontrent le succès, comme avec "El Manicero (The Peanut Vendor)" de l’Orchestre du Casino de La Havane de Don Azpiazú (photo ci-dessous), ou dans des films à succès comme "Flying Down To Rio" dans lequel les inséparables Fred Astaire et Ginger Rogers dansent merveilleusement la Rhumba !

Durant cette période, de nombreux migrants en provenance de l'île de Cuba, de Porto Rico, du Brésil, ou encore du Mexique s'installent aux Etats-Unis. Tous ces immigrés veulent profiter du nouvel engouement pour la culture Latino en formant leurs propres orchestres musicaux. Au départ, c'est le mélange et l'interaction entre la culture Latino et celle du Jazz Afro-Américain qui va faire germer les styles Manbo et Cha Cha Cha.

 

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Dès les années 40, la musique jouée par les orchestres Latinos est présente dans les meilleurs clubs et dancing, comme au Palladium de New York City, ou au Million Dollar Theater à Hollywood en Californie. C'est à partir de cette époque que les grandes maisons de disques comme RCA Victor, Columbia et Decca Records vont comprendre l'intérêt commercial et financier de produire ce type de musique fortement apprécié par un public de plus en plus large.

De plus, cette musique Latino en vogue est soutenue par une importante communauté Hispanique très soudée au sein des Barrio urbains des grandes villes des Etats-Unis. Mais, surtout, durant ces mêmes années 1940, les premiers labels indépendants distribués à l’échelle nationale exclusivement consacrés à la musique Latine voit le jour : Mardi Gras Records, Verne Records, Coda Records font partis de ces pionniers. La maison de disques Tico Records va donc "reprendre" le travail entrepris par ces sociétés pionnières dans la diffusion de la musique Latino.

 

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- Don Azpiazu & His Havana Orchestra circa 1933 (Source : MTC) -

 

Comme je l'ai souligné, l''histoire de la compagnie Tico Records est indissociable de son héritage musical historique et sociologique. En premier lieu, la compagnie de disques Tico est indissociable d'une personnalité du monde de la musique qui va être marquée de son empreinte. Plus précisément, c'est monsieur Georges Goldner qui fonde et propulse Tico Records parmi les grands labels de la musique Latino.

Georges Goldner (1918 - 1970) est un producteur charismatique de grand talent qui va largement contribuer à diffuser la musique Rhythm 'n' Blues aux Etats-Unis. Il va être surnommé, à très juste titre, le "Roi des productions discographiques de Salsa" par l'éminent dirigeant d'Atlantic Records Jerry Wexler, lui même intronisé au Rock 'n' Roll Hall Of Fame à Cleveland dans l'état de l'Ohio aux Etats-Unis.

Né à New York City en 1918, Georges Goldner va tout d’abord commencer son parcours professionnel en tant que marchand de vêtements. Mais, la musique et la danse sont ses véritables passions secrètes. Poussé par cette passion, il décide donc d'abandonner le commerce au début des années 1940 pour diriger des salles de danse, qui prospèrent en raison de la popularité des groupes de Jazz Swing. Georges Goldner est lui-même un grand danseur, et selon certaines sources, il va même enseigner avec succès la danse pendant un certain temps.

 

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Gracie, la femme de Goldner, était Portoricaine, les musiques chantées en langue espagnole étaient souvent diffusées chez eux. Le couple de Georges Goldner faisait sans aucun doute partie des milliers de New-Yorkais qui ont assidument fréquenté les nombreuses salles de danses en profitant des remarquables performances des meilleurs musiciens latins de la ville. En 1948, George Goldner décide de s’associer à une personnalité du monde radiophonique "Pancho" Raymond.

"Pancho" Raymond anime, comme Disc Jockey, une émission de musique latine sur la Radio WLIBCompte tenu de l’implication très médiatisée de Raymond avec l’entreprise, la Radio WLIB était vulnérable aux accusations de conflit d’intérêts avec Tico Records. Pour la petite histoire, le nom du label Tico, qu’ils vont fonder, est dérivé du morceau de Xavier Cugat "Tico Tico No Fubá".

Même si le rôle de Raymond "Pancho" est primordial dans l'histoire de la compagnie, Tico Records a surtout été le bébé préféré de George GoldnerGeorges est un entrepreneur de grand génie qui va s'investir totalement dans l'industrie du disque, ses enregistrements en studios, le marketing et la promotion du label, tout en inventant de nouvelles règles.

 

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 - Georges Goldner circa 1950 (Source : STP) -

 

Georges Goldner va multiplier ses partenaires pour faire connaître et développer sa nouvelle compagnie, comme avec Dick "Ricardo" Sugar, un autre Disc Jockey populaire qui va à lancer sa propre émission de musique latine sur la Radio WEVD justement en partenariat avec Goldner. Georges va d'ailleurs vite avoir un nouveau surnom parmi les Disc Jockeys de la ville de New York : "M. Pay-For-Play".

Georges Goldner et Raymond "Pancho" vont installer les bureaux de leur nouvelle compagnie de disques Tico Records situé à New York City au numéro 659 de la Tenth Avenue à Manhattan. Dès l'installation des locaux du label les deux associés partent à la recherche d'artistes talentueux, nombreux sur scène musicale de la Big Apple.

A la fin des années 1940, la musique Swing était dépassée, des dizaines de chefs d’orchestre Hispaniques se précipitaient pour combler le vide musical laissé. Très rapidement, l’engouement pour le Mambo va être en pleine explosion ! Le public était très friand de ces nouvelles sonorités exotiques. La scène musicale de New York regorgeait de jeunes musiciens, et tous ceux qui n’avaient pas déjà signé un contrat pour les grands labels étaient impatients d’entrer dans un studio d’enregistrement.

 

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Les deux producteurs ont beaucoup de flair car parmi les premiers contrats signés par Goldner et Raymond se trouvaient deux chefs d’orchestre qui allaient devenir des légendes de la musique Latino. Tout d'abord, le grand percussionniste Tito Puente. Puis le chanteur Tito Rodríguez. Ces deux trouvailles sont en fait déjà deux vétérans du circuit "Cuchifrito" (des club Latinos) de New York, ainsi que des anciens de ces groupes comme Noro Morales, José Curbelo, Pupi Campo et Xavier Cugat.

C'est en partie grâce à la haute qualité des enregistrements des studios du label Tico que ces artistes vont pouvoir mettre réellement en exergue leurs incroyables talents. Tito Puente était incontestablement, dès les premières années du label et bien plus tard également vers la fin de son existence, la grande star de Tico Records. Le lien musical entre Tito Puente et Tico Records va donner plus de  80 sessions communes d’enregistrements différents.

Tito Puente avait créé son propre groupe après une longue période d’apprentissage dans diverses formations dans la Big Apple. Tito est un grand maître timbalero qui jouait aussi du piano, du vibraphone et des cuivres, tout en étant un excellent arrangeur et un showman. Ces qualités ont fait de lui une tête d’affiche dans d'innombrables Clubs, comme le Palladium. "Tito Puente était aux timbales ce que Buddy Rich et Tony Williams étaient à la batterie Jazz" , écrit l’auteur et percussionniste Jim Payne.

 

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- Tito Anthony Puente circa 1950 (Source : LP) -

 

Jim Payne rajoute à propos de Tito Puente "Il combinait les techniques de caisse claire et de batterie (Jazz) avec le style traditionnel Cubain (percussions) et avec innovation  il a porté la performance sur les timbales à un nouveau niveau" . Georges Goldner va immédiatement reconnaître son talent, en lui donnant une marge de manœuvre créative maximale au sein du label Tico.

À l’automne 1949, Tito Puente permet a Tico Records d'obtenir son tout premier succès avec son excellent morceaux "Abaniquito" . Les voix principales sur cette composition de type Mambo incendiaire ont été chantées par le sonero Cubain Vicentico Valdés, qui enregistrera pour Tico Records en tant qu’artiste solo quelques années plus tard, sans oublier le pionnier du Latin Jazz Mario Bauzá à la trompette.

 

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La situation va commencer à changer et se détériorer entre Georges Goldner et Raymond "Pancho" à partir de 1950. Ce sont de profonds désaccords sur l’argent et la direction créative de la compagnie de disques qui vont déboucher sur une réelle mésentente. Les répercussions vont être importantes pour le label Tico qui voit ses sessions d’enregistrement interrompues. De ce fait, les artistes, comme Tito Puente, vont devoir conclure des accords avec d’autres labels pour continuer d'enregistrer et d'encaisser des royalties.

Il va falloir toute une année à Georges Goldner pour s’entendre et trouver un accord avec Raymond lui permettant de racheter ses parts. Georges Goldner, après cette séparation, va avoir un besoin vital de trouver de nouveaux fonds pour faire vivre sa compagnie Tico Records. Goldner va alors s'associer à Joe Kolsky, un propriétaire de boîte de nuit louche à New York City. Joe Kolsky va devenir petit à petit un partenaire de plus en plus puissant pour Tico Records et Goldner.

 

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- Tito Puente sur Tico Records en 1952 (Source : 75 M.N.S®) -

 

Après avoir réussi réussi l'exploit de faire signer Tito Puente, puis RodríguezGeorges Goldner va également dégoter une toute nouvelle star avec Joe Estévez Jr, dit "Loco". Depuis la fin des années 1930, Joe Estévez, Jr est un sideman jouant pour presque tous les grands orchestres de Jazz et de musique Latino.

Musicien et showman au fort charisme, Joe "Loco" fait partie de ses nombreux chanteurs de qualité qui vont profiter de l'attrait du public pour les sonorités Latinos. Son surnom, traduit par "Crazy Joe", vient soit de son comportement parfois erratique et violent, soit d’une chanson des années 1940 appelée "Cada Loco Con Su Tema" qu'il va co-écrire avec Machito.

Cet artiste illustre parfaitement les différentes influences de cette musique : ce sont des artistes de Jazz Afro-Américains comme Count Basie et Duke Ellington qui vont inspirer Estevez. Notons d'ailleurs que parmi tous les pianistes de musique Latine de son époque,  Joe Estévez était le plus populaire auprès des amateurs de Jazz. C’était le résultat d'une vaste expérience acquise en jouant pour de nombreuses formations de musique Jazz.

 

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Cette mixité musicale va donner de merveilleux morceaux, comme en 1952, avec une version très atmosphérique de "Tenderly" exécuté par Estévez qui forme son quatuor avec le vibraphoniste Pete Terrace, le bassiste Jules Andino et le percussionniste de Bongo Bobby Flash. Alors qu’il ne va rester chez Tico Records que trois année, Joe Loco va effectivement enregistrer un nombre incroyable de compositions pour le label.

Georges Goldner va se lancer avec frénésie dans une multitude d’enregistrement en 1951, il veut peut-être rattraper le temps perdu. Assisté de l’ingénieur Allen Weintraub ils vont pratiquement élire domicile dans les studios d'enregistrement Bell Sound, qui, avec les studios de Broadway et A &R Recording était l’un de ses sites d’enregistrement préférés pour les sessions du label Tico.

L’année suivante, en 1952, le label va publier pas moins de 27 sessions d'enregistrement comprenant Tito Rodríguez, Tito Puente, Leal Pescador, Joe Loco, Pupi Campo, avec deux groupes anonymes de musiciens, Los Rumberos de Cuba, et le Tico Orchestra, issus de sessions d’enregistrement anciennes et nouvelles. Dés cette année 1952, la compagnie Tico Records s'impose déjà comme un grand des principaux diffuseur de musique Latino.

 

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- Joe Estévez "Loco" / 1921 - 1988 (Source : TR) - 

 

En 1956, les succès sont au rendez-vous pour Tico Records et ses disques se vendent rapidement sur le marché du vinyle en pleine expansion. De ce fait, Tico Records inaugure une série de nouveaux enregistrements. Le catalogue de la compagnie va encore s'étoffer, Georges Goldner a effectivement continué à élargir sa liste d’artistes en recrutant, entre autres, le grand Conguero Mongo Santamaría.

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Voulant profiter pleinement de cette période de succès pour sa compagnie de disques, George Goldner va mettre sur pied un projet très ambitieux avec le promoteur de concerts Irving Schact. Ce projet est de faire une tournée des artistes du label Tico dénommée "Mambo USA".  C'est une véritable tournée nationale avec une série de concerts mettant en vedette les meilleurs groupes de Mambo et danseurs travaillant à New York  City.

Le projet inclut plus de quarante artistes, en proposant de monter sur scène dans 56 villes. Incontestablement, c’était une tentative ambitieuse et novatrice de donner à ces artistes une certaine visibilité nationale, ainsi que de promouvoir les dernières sorties de Tico Records. Une démarche qui va être reprise des années plus tard avec un succès incroyable par l'autre grand label de musique Latino Fania Records et sa célébrissime tournée intitulée "Fania All Stars".

 

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Afin de donner une idée précise de leur spectacle, George Goldner et Schact donnèrent à New York un aperçu de la tournée le 20 février 1954, en réservant le Carnegie Hall pour un "Mambo/Rhumba Festival". Tito Puente, Joe Loco et Pupi Campo ont été les têtes d’affiche de ce concert joué à guichets fermés devant un public déchainé. Une semaine plus tard, Tito Puente et Joe Loco lancent la tournée de concerts en débutant au Paramount Theater de Brooklyn.

En plus, Goldner va recruter les musiciens Afro-Cubains pour l'orchestre de Francisco Raul Gutiérez Grillo dit "Machito" (1912 - 1984) dans une escapade de trois semaines pour aiguiser un peu plus l’appétit du public. Face à l'ampleur du projet, il va falloir prés d’une année pour régler la logistique et finalement permettre au spectacle "Mambo USA" de commencer en automne.

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 Toujours dans l'optique de profiter des succès, Tico Records va également s'intéresser au cinéma en enregistrant son premier album de bande originale à la fin des années 1950, une expérience que le label ne vas pas renouveler. Cette expérience non renouvelée présentait un groupe appelé The Boataneers jouant de la musique des Bhahamas entendue dans le film de romance tropicale intitulé "Island Women" pour la compagnie cinématographique United Artists.

 

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- Francisco Raul Gutiérrez Grillo "Machito" (Source : STP) - 

 

Les morceaux  enregistrés par les vedettes de l'écurie de Georges Goldner bénéficiaient tous de la qualité des studios d'enregistrement Tico qui étaient à la pointe des avancées technologiques. Le résultat est une qualité d'enregistrement optimale, avec des arrangements réellement impeccables. Cela convenait particulièrement aux morceaux de Tico Records qui étaient musicalement audacieux,

L’influence de la musique Afro-Américaine, dont le Swing et le Be'Bop, était évidente dans les productions de la compagnie de Georges Goldner. De plus, la qualité du travail effectuée par les musiciens "slideman" dans les studios d'enregistrement du label Tico était similaire au travail fait par les meilleurs labels de Jazz de cette époque, comme chez Blue Note Records, le plus illustre label de Jazz.

La compagnie Tico Records avait la qualité d'un label majeur, tout en gardant, et en cultivant, une ambiance de petit label. Cette caractéristique explique probablement l'attirance exercée par ce label auprès de tant de grands artistes. Tous les artistes musiciens Latinos avaient comme plus grand désir de pouvoir franchir les portes des nouveaux bureaux de Georges Goldner situées au 220 West 42nd Street New York City.

 

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En plus de sa passion pour la musique et la danse, Georges Goldner avait malheureusement aussi la passion du jeu qui va éclipser sa passion pour la musique Latino. Goldner va ainsi perdre des milliers de dollars en faisant des mauvais choix lors de paris pour des courses de chevaux, et les jeux de casino. De ce fait, sa dépendance aux prêts pour obtenir des liquidités financières va augmenter.

Bientôt, il va avoir affaire directement à monsieur Morris Levy, propriétaire de la célèbre boîte de nuit BirdlandMorris Levy avait des liens avec des gangsters, et Goldner était un peu intimidé par cet homme du milieu. Et, quand, en 1955, Levy va jouer un rôle déterminant dans la signature de Tito Puente, il ne pouvait guère faire plus que de se plaindre amèrement, car il était beaucoup trop redevable au propriétaire du club pour contester ses actes.

Mais en même temps Goldner y trouvait son compte : les sources d’argent apparemment inépuisables de Levy vont lui donner le moyen de développer ses activités. Ce sont effectivement les fonds douteux de Moris Levy qui vont permettre au label de Georges Goldner, Tico Records, de signer des actes, de les enregistrer et de publier à un rythme que peu d’autres propriétaires de labels indépendants pouvaient se permettre.

 

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 - Marché Portoricain de East Harlem à New York City vers 1950 (Source : LM) -

   

Malgré les gains financiers engrangés grâce à Tico Records, Georges Goldner est tout de même toujours à la recherche de nouveaux talents. C'est justement lors des ses recherches que Goldner va découvrir que beaucoup de ses clients Noirs Afro-Américians appréciaient de plus en plus nouveau type de musique appelée Rhythm and Blues.

Conscient de l'énorme potentiel commercial et financier de cette nouvelle clientèle, Goldner, toujours avec l'important soutien financier de Morris Levy, va créer le label Rama Records. Son intention est donc de fidéliser ce public Afro-Américain en lui proposant des enregistrements de nouveaux groupes de Rhythm 'n' Blues.

Georges Goldner a compris que durant les années où les chanteurs Noirs étaient presque bannis des grandes stations radiophoniques nationales, le fait de proposer ce type de musique va rapidement placer sa compagnie de disques en avance face à ses nombreux concurrents. En 1954, il décide de lancer le label "frère" de Rama, qu'il va appeler Gee Records.

 

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En 1956Goldner développe encore ses affaires en s’associant à Joe Kolsky puis au frère de Kolsky, Phil Kahl, pour fonder le label Roulette. Mais la volonté de Goldner n’était pas totalement investie dans cette nouvelle. Conscient de l'opportunité, Morris Levy n’a pas tardé à racheter ses actions et à s’installer au poste de président-directeur général de Roulette.

Le label Roulette est devenu l’une des maisons de disques indépendantes les plus importantes du secteur : les hits de Buddy Knox, Jimmie Rodgers, The Playmates, Joey Dee et The Starlighters et Tommy James and The Shondells vont garnir ses coffres de pleins de dollars. Roulette s’est avéré primordial pour Goldner car cela va largement lui faciliter les affaires pour Gone and End Records, ses deux nouvelles compagnies.

En très peu de temps, George Goldner a commencé à comprendre que le Rhythm 'n' Blues et les nouvelles sonorités Afro-Américaines étaient celles qui lui feraient gagner le plus d'’argent. Effectivement, les adolescents blancs avec un revenu disponible adoptaient ce nouveau son en générant ainsi d’énormes profits pour les propriétaires de labels indépendants comme justement ceux de Georges Goldner.

 

- Référence musicale 9 (en bas d'article) -

 

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 - Georges Goldner  (Source : TR) -

 

Il n’y avait tout simplement aucune comparaison entre les rendements assez modestes qu''il avait gagné avec ses productions Latinos de Tico Records. Les chèques qui arrivaient étaient beaucoup plus conséquents pour ses autres compagnies de disques, comme Roulette Records. Goldner va produire par exemple un single sur un label, appelé Luniverse, qui va gravir les charts et se vendre à des millions d'exemplaires.

Cependant, les profits tirés ont été rapidement mangés par des dettes de jeu massives, il semblait que plus il gagnait d’argent, plus il lui glissait d'entre les doigts. Georges Goldner "adore les chevaux" expliqua Morris Levy à l’auteur Fredric Dannen des décennies plus tard. : "Il avait toujours besoin d’argent. C’est dommage, parce que George connaissait la musique, et savait ce qui pouvait être un succès .."

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En avril 1957, Goldner est contraint de vendre ses actions de Tico Records, Rama Records, et également Gee Records à Moris Levy. Pourtant, Goldner ne va pas complétement se retirer des affaires de son ancienne compagnie Tico Records. Georges aimait toujours la musique Latino. Il va donc participer ponctuellement aux activités de Tico, en supervisant, entre autres, les dates de nombreux enregistrements pour le label jusqu’à la fin de sa vie.

 

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Morris Levy, le nouveau propriétaire de Tico Records était un homme craint et respecté : les gens l’aimaient ou le détestaient. Réputé pour être à l’emploi de la famille Genovese de la Mafia, il va incontestablement peser de tout son poids dans la réussite de la compagnie. Selon la situation, Morris Levy pourrait être un intimidateur mais aussi un hôte très accueillant.

En 1975, il va agresser un policier en civil, en lui causant des blessures graves, mais ses relations corrompues vont le protéger d'un jugement.  Pendant les plus de trente ans qu’il a passés à produire de la musique, des allégations ont volé dans la direction de Moris Levy de toutes parts. Il avait la réputation de ruiner les carrières des artistes récalcitrants a ses exigences.

Moris Levy va également être impliqué dans le scandale "Payola" de 1959/60 et a échappé de peu à la mise en accusation par un grand jury. Le différend le plus médiatisé de Morris Levy a eu lieu en 1978 : il fût attaqué au tribunal par le membre du groupe de musique Pop Anglais The Beatles John Lennon au sujet de documents inédits qu’il croyait avoir le droit de commercialiser.

 

- Référence musicale 10 (en bas d'article) -

 

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 - Moris Levy "The Mob Hitman" en 1969 (Source : RR) -

 

Moris Levy est né en 1927, il est issu d’une des dernières familles juives résidant encore dans le quartier de Harlem, à New York City. Ce quartier est devenue dès le début du XXe siècle majoritairement peuplé par des migrants Afro-Américains venus des états plus pauvres et ruraux du Deep South.

C'est une époque de renouveau pour cette communauté Noire avec l'émergence du mouvement dit Harlem Renaissance qui représente une véritable explosion culturelle pour cette communauté. De plus, pendant les années 1920 et 1930, Harlem était la nouvelle capitale du Jazz aux États-Unis. La Big Apple avait effectivement remplacé la prédominance de la ville originelle du Jazz, la Nouvelle Orléans.

Moris Levy va donc grandir dans cet environnement baigné de musique Jazz, et décide de travailler pour ce monde de la musique qui le fascine. Des années plus tard, après des années de labeur, Moris Levy va finalement devenir un manager réputé, et le propriétaire de plusieurs boîtes de nuit réputées à New York City. Sa réputation lui vaudra le surnom, illustrant cette sulfureuse image donnée par la presse, de "The Mob Hitman".

 

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 En 1949, il frappe un grand coup en mettant parfaitement en place le club Birdland. Un club qui va vite devenir la Mecque du Jazz en accueillant des musiciens vedettes comme Count Basie, Dexter Gordon, Thelonious Monk, Miles Davis, Billie Holliday, et l’homonyme du club, Charlie "Yardbird" Parker, tous en tête d’affiche. Des célébrités comme Frank Sinatra, Ava Gardner, Sammy Davis, Jr. et Marilyn Monroe ont également afflué au Birdland.

Morris Levy s’est impliqué dans le secteur manufacturier de l’industrie musicale afin d’enregistrer dans son club Birdland, Parmi les morceaux joués au Birdland, le standard "Lullaby of Birdland", écrit par George Shearing, va être l’un de ses plus beaux et lucratifs succès. Mais, près la reprise de Roulette, plusieurs artistes de Tico ont soudainement décidé de rejoindre ce nouveau label.

De tels conflits d’intérêts étaient courants, en plus de diriger Roulette et ses labels frères, et de publier les chansons que ses artistes écrivaient, Morris Levy avait "la main" sur la distribution des morceaux joués dans les juke-box ! En même temps, pour Tico Records tout a commencé à paraître plus professionnel, après le déménagement de la société au 1631 Broadway à New York City.

 

- Référence musicale 11 (en bas d'article) -

 

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- Tito Puente circa 1955  (Source : JM) -

  

La photographie pour les pochettes d’album de Tico avait effectivement l’air plus nette, des notes de pochettes informatives (généralement en anglais et en espagnol) ont remplacé la liste du catalogue imprimée au dos des premières versions, et les crédits d’auteur-compositeur et d’édition ont commencé à apparaître sur les albums pour la première fois. La qualité des productions Tico était devenue impressionnante.

Des années plus tard, de nombreux albums Tico ont obtenu un second souffle grâce aux rééditions sorties par Roulette Records. Particuliérement comme certaines des sessions Tico les plus orientées Jazz, avec par exemple l'album "Bossa Nova" de Tito PuenteÀ son crédit, Morris Levy va réussir a préserver l’orientation proprement latine de Tico Records.

 C'est le chef d’orchestre Rafael « Ralph » Seijo qui reprend le rôle primordial de nouveau dirigeant de TicoSeijo et va essayer de diversifier le catalogue au-delà des Mambos et des Cha-Chas, en enregistrant des artistes venus d’Argentine, du Mexique et d’Espagne qui se produisaient dans leurs styles traditionnels. Les musiciens Marco Rizo, Machito et Pete Terrace vont chacun sortir un album conçu par Seijo qui va réussir a donner une authentique tournure Latino-Américaine aux grands standards nord-américains.

 

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 Le label Tico, toujours soucieux d'utiliser le meilleure de la technologie, va installer et utiliser la nouvelle technique dite "stéréo dynamique" pour la première fois. Parallélement, Ralph Seijo quitte Tico vers 1960 pour saisir la chance de pouvoir enregistrer son propre orchestre sur le label Somerset. Ralph Seijo part  au moment où l’engouement pour les Pachanga commence à prendre d’assaut la musique latine, et il veut clairement en profiter.

L’engouement pour la danse Pachanga a eu un impact énorme sur le son Latino à New York City, comme en témoigne le grand nombre d’albums de Pachanga sortis au début des années 1960, à la fois sur des labels majeurs, mais aussi indépendants. Les compositions étaient un savant mélange de haute énergie entre des rythmes Merengue et du Cha-Cha-Chá.

Les groupes de Charanga pour flûte et violon dominaient alors la scène, et aucun n’était plus populaire que ceux dirigés par le pianiste Charlie Palmieri et le génial percussionniste devenu flûtiste Johnny Pacheco. Palmieri et Pacheco vont enregistrer tous deux pour le label Alegre d’Al Santiao, qui sera justement plus tard racheté par Roulette.

 

 - Référence musicale 12 (en bas d'article) -

 

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- Peinture de l’artiste afro-panaméen Eugenio Dunn ( Source : SAMAAP) -

 

Constatant le succès de Tico Records auprès d'un public de plus en plus large, Tito Puente va judicieusement décider de revenir auprès de la compagnie de disques qui va lui offrir ses premiers succès. Après ses cinq années frustrantes chez RCA Victor, Tito Puente est très motivé par cette nouvelle signature de contrat avec Tico Records  : en 1962, il sort l'album "El Rey Tito",

 

Pendant que la population Latino de New York City dansait frénétiquement la Pachanga, le reste de l’Amérique était plutôt épris des danses issues de la musique Afro-Américaine, comme le Twist, le Monkey, le Mashed Potatoes, ou le Watusi. Des danses très largement pratiquées, et surtout améliorées, par la première génération Modernist qui va s'en emparer. La danse étant un usage culturel primordial dans la culture Mod authentique.

  C'est la grande période des charts dans toutes les Radios, et du déjà très réputé classement Billboard aux Etats-Unis qui regorgeait de disques d’artistes comme Little Eva, Chubby Checker, Major Lance, ou Joey Dee. Les dirigeants de Tico Records vont comprendre que leur musique Latino représentait justement cette musique de danse, une musique dont le grand public était particulièrement friand !

 

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Ray Barretto était l'autre grande vedette de l'impressionnante écurie de la compagnie de disques Tico Records. Tout comme Tito Puente et les autres vedettes du label, il était autant influencé par le Jazz que par la musique Latino. Dans les années 1950, Ray va d'ailleurs jouer avec Charlie Parker, Max Roach, Cannonball Adderly, Herbie Mann et grand nombre d'autres prestigieux noms de la musique Jazz.

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Ray Barretto avait d'abord émergé en tant que chef d’orchestre en 1961, en jouant de la musique Pachanga pour le label Riverside. Avec son groupe, Charanga Moderna, il signe pour Tico l’année suivante. Pour plus de données sur Ray Barretto, vous pouvez consulter l'article "Ray Manos Duras Barretto" de cette même rubrique "Latino'Side" du "Cercle Modernist".

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Pour sa part, le pianiste Eddie Palmieri est arrivé chez Tico en 1964, juste au moment où la Beatlemania commençait à se répandre à travers le pays. Frère cadet de Charlie Palmieri, il a travaillé avec Pete Terrace et Tito Rodríguez avant de former son Orquesta La Perfecta et de signer avec le label Alegre d’Al Santiago. Il va rester avec Tico Records jusqu’au début des années 1970 avec son plus grand succès "Azúcar". Avec huit minutes et demie, "Azucar" le plus long morceau de danse latine jamais sorti en 45 tours à cette époque !

 

- Référence musicale 13 (en bas d'article) -

 

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- Eddie Palmieri circa 1964 (Source : EP/TR) -

 

Morris Levy va réussir un énorme coup lorsqu'il fait signer chez Tico Records la grande chanteuse Celia Cruz en 1965. Célia Cruz est célèbre depuis le début des années 1950, elle est la chanteuse la plus réputée des orchestres de cuivres Cubains. Surnommée "La Sonora Matancera", Celia Cruz avait réussit a fuir la répression du régime Castriste.

La Sonora va enregistrer avec Tito Puente et son orchestre de véritables merveilles. Leur première collaboration "Cuba e Puerto Rico Son" (une référence aux ethnies respectives de Cruz et Puente) a été acclamé par la critique à New York et dans toute l’Amérique latine, tout comme une douzaine d’albums ultérieurs enregistrés avec Puente et avec le grand chef d’orchestre mexicain Memo Salamanca.

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 La signature masculine la plus importante pour la compagnie Tico en 1965 est certainement celle de Rafael Cortijo and His Combo. La base du son de Cortijo était le style dit Bomba, une forme traditionnelle de musique Portoricaine faite pour la danse. Au début des années 1950Cortijo va adapter astucieusement l’instrumentation des groupes de Mambo pour jouer de la Bomba, avec des instruments traditionnels comme les Timbas et les Guiros, en préservant ainsi le son aussi authentique.

 

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Lors d'un entretien avec l'historien de la musique Frank FigueroaRafael Cortijo avait déclaré "Nous essayons de jouer (la musique) honnêtement, avec spontanéité et sans aucune variation sophistiquée qui puisse altérer sa forme originale". La spécificité du chant de Rafael Cortijo, un chant "nasale" particulier et un inégalable talent d'improvisation, faisait que les auditeurs le reconnaissaient immédiatement.

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Après avoir entendu l’une de ses performances, le plus grand chanteur populaire cubain Beny Moré l’aurait même appelé "El Sonoro Mayor" ( le meilleur chanteur qu’il ait jamais entendu) . Quand Rivera chantait avec Cortijo and His Combo, le public était littéralement transporté dans un carnaval brésilien : très souvent les musiciens toujours festifs abandonnaient a scène à musique pour danser et chanter parmi les membres du public.

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Surtout, le groupe de Rafael Corjito est le tout premier groupe entièrement composé de musiciens noirs à apparaître à la télévision portoricaine, chose encore exceptionnel dans une société sud Américaine gangrénée par le racisme. Cette exposition télévisuelle va permettre au groupe de Corjito d'engranger les succès : "El Negro Bembón",  ou encore l'irresistible morceaux "Alegría y Bomba".

 

- Référence musicale 14 (en bas d'article) -

 

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Rafael Cortijo & Combo circa 1958 (Source : LVC ) -

 

En 1965, la compagnie de disques Tico Records décide de se lancer dans l'organisation d'un gigantesque concert pour mettre en avant l'ensemble des artistes du catalogue du label. C'est un projet similaire à la précédente tournée de concerts du label Tico organisée autour d'une tournée de concerts intitulée "Mambo USA", comme nous l'avons vu auparavant.

Ce concert est donc enregistré à la fin de l'année 1965 dans la fameuse discothèque Village Gate de New York City. Ce club était normalement dédié aux artistes de Jazz, mais pour l'occasion il cédait sa scène à des artistes de musique Latino le lundi soir. Ce sont les Tico All-Stars qui vont assurer le show dans des sets prolongés et endiablés acclamés par des salles combles et déchainées.

Le show proposé par les Tico All-Stars présente les grandes vedettes du label, tout comme les nouveaux venus. Parmi les artistes invités estimés sur scène figuraient Cachao lui-même, Johnny Pacheco et Charlie Palmieri, et Candido Camero. La qualité musicale proposée par le show va d'ailleurs inciter les autres labels concurrents à réitérer ce projet, comme avec les Fania All Stars.

 

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Le label Tico va aussi innover dans l'enregistrement, au milieu des années 1960, avec l'enregistrement de morceaux traitant de sexualité d'une manière totalement débridée. Comme leurs titres le suggèrent, ces compilations présentent des chansons "chaudes sexuellement " interprétées par Tito Puente, Machito’s Afro-Cubans, The Joe Cuba Sextet, ou Miguelito Valdés. Ces morceaux traitent des sujets comme la sodomie, la masturbation, la fellation et la taille du pénis dans un style grandiose :  "La Bochinchera", ou "Juanita, Saca La Mano" (Retirez votre main) !

Les artistes Tico sont, durant ces années 1960, présents dans tous les principaux clubs, comme dans la salle de bal Palladium. Une salle qui va fermer ses portes en avril 1966 avec le groupe d’Eddie Palmieri comme l’une des attractions de la soirée de clôture. La fermeture de ce club, devenu une authentique institution de musique Latino va  marquer un changement radical dans le son, et l’attrait du public pour la musique latine.

Ce milieu des années soixante est effectivement le moment précis qui voit s'effectuer le mélange de rythmes Pachanga / Cha-Cha avec de la musique Soul Afro-Américaine. Cette musique Soul, issue du Rhythm 'n' Blues Afro-Américain, se mélangeait parfaitement avec les rythmes exotiques Latinos. Ce nouveau style, appelé Latin Boogaloo est très vite devenu la coqueluche du plus jeune public. Plus tard, l’écrivain Juan Flores va décrire ce nouveau tout nouveau style comme  un rythme  de "Cha-Cha accompagné par un Backbeat ".

 

- Référence musicale 15 (en bas d'article) -

 

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- Joe Cuba Sextet sur Tico Records en 1966 / Lp 1119  (Source : 75 M.N.S®) -

 

L'émergence de ce style dénommé Latin' Soul remonte en fait aux début des années 1960 avec par exemple la sortie de morceaux comme "Soul Sauce" de Cal Tjader, "Watermelon Man" de Mongo Santamaría et bien sûr, "El Watusi" de Ray "Manos Duras" Barretto pour justement le plus grand profit de Tico Records.

Lors de cette puissante vague musicale, qui explose en 1966, le Joe Cuba Sextet remplissait les pistes de danse, tout comme les grands succès de Boogaloo classés au plus haut dans les charts. Le Joe Cuba Sextet, groupe de Gil Calderon plus connu sous le nom de "Joe Cuba", c'est formé en 1954. Dés sa création, la formation de Gil Calderon est réclamée par le public dans tous les bons clubs.

Le groupe est en fait composé originellement (il va changer par la suite) par les musiciens du premier orchestre de Gil Calderon, le Joe Pananma QuartetWillie Torres le chanteur, Nick Jiménez le pianiste, Ray Rosa à la basse, Jimmy Sabater aux timbales, Tommy Berríos au vibraphone et enfin le leader Congero Gil Calderón dit Joe Cuba, nom qu'il a reçu du propriétaire de l'un des clubs où ils se produit.

 

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La virtuosité des musiciens du Sexte Joe Cuba donne une dimension toute particulière à leurs superbes et endiablés compositions. L’attrait du Sextet pour les foules anglophones avait beaucoup à voir avec la pratique nouvelle et inhabituelle de chanter les morceaux en partie en Anglais, tout en gardant la base Latino. Une pratique qui va effectivement séduire le public Occidental.

Le groupe Joe Cuba Sextet a été parmi les premiers à utiliser de cette maniére la langue de Shakespeare. Lors d'un entretien avec les journalistes Joe Cuba confirmera lui-même cet attrait pour la langue anglaise : "Nous chantions la plupart des airs et titres en Anglais, même si c'était toujours de la musique Salsa !". Car, cette nouvelle musique appelée Latin' Soul est bien celle de cette seconde moitié du XXe siécle.

Issue d'un mélange entre les rythmes Latinos et la musique Afro-Américaine, la musique dite Latin' Soul est bien celle du nouveau monde cosmopolite contemporain issu de l'après Seconde Guerre Mondiale. Un monde nouvellement imprégné de musique Jazz, et de la Cool Attitude de la culture Afro-Américaine. Tout comme, elle est le reflet d'un public plus hétérogène, composé des différentes communautés des Etats- Unis d'Amérique.

 

- Référence musicale 16 (en bas d'article) -

 

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- Ray Barretto sur Tico Records (419) en 1963 (Source : 75 M.N.S® ) -

 

Un musicien du maître Congero Joe Cuba se rappelle : "Nous avons fait tous les airs (Anglais) parce que nous avions l’habitude de nous adresser à une foule juive, à une foule italienne, à des foules noires américaines et à des Latinos aussi". Mais, le Sextet de Joe Cuba était également unique, car il était capable de satisfaire tous les danseurs.

Effectivement, le Joe Cuba Sextet n'utilisait pas une section de cuivres latins dit standard. Plus précisément, le son de Joe Cuba était fortement influencé par celui très Jazzy de Cal Tjader. Ce dernier va d'ailleurs jouer en duo avec le Joe Cuba Sextet lors de séances d'enregistrements et quelques mémorables concerts.

C’est dans ce contexte particulier que va sortir le single "tapageur" "Bang! Bang!" étrangement composé de paroles absurdes portant sur la gastronomie ("le pain de maïs, la gueule de porc et les chitterlings"). "Bang Bang", qui peut aussi être considéré comme un véritable hymne de la musique Latin' Soul, infuse une ambiance de fête fraternelle.

 

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Le morceau est des plus grand succès commerciaux pour Tico Records, il va se vendre à plus d’un million d’exemplaires dans le monde entier. Il va aussi donner naissance à un album Lp à succès du même titre, qui va pour la petite histoire très certainement inspirer la reine du Disco Donna Summer à écrire certains de ses plus grands succès, comme "Bad Girls". 

Classé à 63éme place dans le Pop Billboard Chart, et 21éme dans le R & B Billboard Chart de 1966, le morceau "Bang! Bang!" est bien devenu le plus grand succès financier de Tico Records, depuis "El Watusi". Mais, au sein de la communauté Hispanique et Latino, c'était plutôt Joe Cuba qui était adoré et apprécié, alors que Ray Barretto bénéficiait d'une reconnaissance plutôt internationale.

Effectivement, dans la communauté latine, les apparitions sur scène du Joe Cuba Sextet provoquaient des manifestations de joies similaires à celle provoquées par le groupe Anglais de Liverpool lors de la Beatlemania. La presse de la Big Apple avait d'ailleurs titré en première page "Joe Cuba est devenu l’un des plus importants chefs d’orchestre de musique Latino à New York".

 

- Référence musicale 17 (en bas d'article) -

 

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- Joe Cuba Sextet (Source : TR) -

 

Georges Goldner avait réussit l'impossible  défi de commercialiser la musique venant de l'île de Cuba et de Portorico aux Etats-Unis d'Amérique en quelques années seulement. Tico Records était effectivement l’un des rares labels exclusivement consacré à la musique Latino à être devenu une compagnies respectée et reconnue par l'industrie du disques.

Mais, le goût du public pour la musique Latino va aussi changer. Toujours attiré par les nouveautés, à la fin des années 1960 c'est le Jazz Brésilien plus tard appelé "Tropicalism"; interprété par Astrud Gilberto, Walter Wanderly et Sérgio Mendes qui fait soudainement fureur. Petit à petit, Pachanga et Boogaloo sont devenus des rythmes dépassés aux yeux du grand public.

Vers 1969, c'est toute une nouvelle et jeune génération de chefs d’orchestre populaires comme Johnny Colón, Joe Bataan, The LeBron Brothers et Fernando Rivera (dont certains ont enregistré pour le nouveau label Cotique de George Goldner) qui se retrouvent dans l’impossible d’entrer dans les studios d'enregistrement. Pour palier a ces problmes..de nombreux chefs d’orchestre ont été forcés d’accepter de jouer pour des "forfaits, une heure ici, une heure là, pour un bien maigre gain.

 

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L’ère du Latin' Booogaloo était donc terminée, tout comme certaines carrières. Bien sûr, le Joe Cuba Sextet a survécu parce qu’ils s’étaient bien établis sur les marchés  plus apprécié par le grand public, mais il ne pouvait pas maintenir une tendance tout seuls. Les disques de musique Latinos n’étant plus diffusés autant, Morris Levy n’avait aucune raison et surtout d'intérêt financier de continuer à les publier.

Moris Levy a donc été obligé de se rabattre sur des styles de musique plus anciens qui ont peut-être rencontré l’approbation des puristes, mais ne se vendaient plus particulièrement bien. Au moment où Levy a emménagé dans de nouveaux bureaux au 17 West 60th Street en 1968, la marge bénéficiaire et financière de Tico Records avait commencé à diminuer considérablement.

 

De ce fait, à partir de ce moment, ses actions dans l’empire Roulette n’était plus sécurisée. Cependant, ses fidèles et inséparables vedettes comme Joe Cuba, Tito Puente et La Lupe ont permis à l’entreprise de passer les années 1970 sans se noyer dans une faillite financière comme malheureusement de nombreuses compagnies du secteur de l'industrie du disques.

 

- Référence musicale 18 (en bas d'article) -

 

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- Tito Puente (Source : BPCR ) -

 

Entre 1967 et 1972, les groupes  de Machito, Ray Barretto et Eddie Palmieri ont tous dit au revoir à la famille Tico. Pancho Cristal l’a fait aussi, laissant Art Kapper, Miguel Estivíl, Fred "Paco" Weinberg et George Goldner échanger des tâches de production. Vingt-quatre LP vont néanmoins sortir en 1968, mais bien entendu la production diminuera dans les années suivantes.

Même si les studios de Georges Goldner étaient à la pointe de la technologie, curieusement Tico Records enregistrait encore ses albums en mode Mono, alors que le reste de l’industrie de la musique était elle passée en mode Stereo trois ans plus tôt. Par contre, le catalogue des artistes du label était constamment en évolution, et de nouvelles vedettes apparaissaient constamment.

 Le chanteur vedette de Tito Puente, Santitos Colón, va par exemple apparaître sous les projecteurs grâce à deux albums solo pour Tico Records. Santitos Colón était déjà connu par le public, il chantait dans des formations de musique Latino depuis la fin des années 1940. Cependant, il ne va rencontrer le succès, jusqu’à ce qu’il rejoigne l’orchestre de Tito Puente en 1957.

 

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Chanteur de talent, Santitos Colon avait un timbre de voix particulier de chanteur de Bolero. Sa voix était velouté et profonde, des caractéristiques qui plaisaient particulièrement au public féminin. Surtout, la commercialisation des albums de Santitos Colón s’est avérée être un très bon choix financier pour Tico Records.

Mais, tous les choix d'enregistrement faits par le label Tico n'étaient malheureusement pas aussi bon qu'avec Santitos Colon. Effectivement on ne peut pas en dire autant des compositions de Sophy Hernández et Shaun Elliot, deux autres chanteurs que Tito Puente a eu l’occasion d’employer.

Une autre grande vedette va également apparaître dans les années 1960 Tito Rodríguez (1923 - 1973), chanteur et chef d'orchestre charismatique. Dès la sortie de son premier morceau pour Tico Records, Tito Rodriguez est reconnu comme un interprète de grand talent qui va devenir le grand spécialiste des ballades langoureuses pour amoureux, comme "Yo Lo Haré", ou "La Calle". 

 

- Référence musicale 19 (en bas d'article) -

 

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- Tito Rodriguez circa 1967  (Source : JM ) -

 

 Joe Cain est l'autre grand personnage qui va largement contribuer a forger la légende du label Tico. Joe Cain avait la réputation d'être un chef d'orchestre, et producteur de tout premier ordre. Joe Cain va développer les arrangements langoureux qui vont être la marque de fabrique chez Tico RecordsLes morceaux "Llora Llora", "Yo Lo Haré", ou "Nuestros Ojos" sont de véritables odes à l'amour qui vont bercer et accompagner toute une génération.

Joe Cain était également l’arrangeur / compositeur vétéran et pianiste de session pour la formation musicale d'Héctor Rivera pour Tico Records.  Son deuxième album pour Tico Records intitulé 'Lo Maximo" comprend les lignes de basse de Cachao la future grande star de la Salsa qui  résume assez bien le son spécifique de la musique Salsa du début des années 1970.

Une période durant laquelle les pochettes produites par les productions Tico vont être particulièrement innovante, comme la représentation caricaturale de Hector Rivera grimé en King Kong, escaladant l’Empire State Building au coeur de New York City ! Joe Cain va aussi mettre sur pieds le très ambitieux projet de faire monter sur scène plus d'une vingtaine de musiciens virtuoses de la musique Latino.

 

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Composé, entre autres par Tito Puente et Charlie Palmieri, la formation se réunie dans les locaux d'enregistrement des Media Sound Studios en 1973Ce projet est rendu possible par la renommée acquise par Tito Puente dans le monde de la musique latine. Peux d'artistes auraient supporté et assumé le poids de la réalisation d’un album comme celui-ci, la gestion d'une telle brochette d'artistes n'était pas une mince affaire.

Mais, le grand Tito Puente n’était pas comme la plupart des artistes,. Depuis ses débuts dans le kiosque à musique du Palladium, Tito s’était produit dans le monde entier, il était devenu le véritable ambassadeur de la musique Latino. Surnommé à juste titre titre "El Rey Del Manbo", Tito Puente va enregistrer plus de 100 albums (!), sans compter ses innombrables collaboration, dont une grande partie de succès pour Tico Records.

En 1978, Tito Puente fournira à Tico Records son dernier grand succès lorsque son album hommage "Homage To Beny Moré" remporte au label son premier et unique Grammy AwardTito Puente va réussir à rester au sommet de sa profession pendant plus d'une cinquantaine d'années. Juste avant sa disparition, en juin 2000, il va nous gratifier d'un ultime chef d'oeuvre avec son vieil ami et complice Eddie Palmieri.

 

- Référence musicale 20 (en bas d'article) -

 

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- Tito Puente et Eddie Palmieri en 2000 (Source : FLC) - 

 

Rattrapé par ses frasques, le jour est finalement venu où l’inévitable ne pouvait plus être retardé : Morris Levy va devoir répondre à une obligation fiscale. Poussé par ses problèmes financiers, il va être obligé de séparer ses activités entre Tico Records et son autre catalogue du label Alegre, qu'il va céder à un avocat en 1975. C'est une période de restructuration et de changement pour l'industrie du disques.

Certains spécialistes estiment que Jerry Masucci va llittèralement sabordé le label pour éliminer la concurrence avec sa propre maison de disques Fania Records grand concurrente de Tico Records. Fania Records va effectivement être fondée à l’arrière d’un camion en 1964 par Masucci et Johnny Pacheco. C'est en fait la compagnie de disques Fania Records qui bénéficier dans les années 1970 de la nouvelle explosion de la Salsa.

Entre 1975 et 1985, Tito Puente, Ismael Rivera, Jimmy Sabater, Ritchie Ray et Bobby Cruz rejoignent la filiale Vaya Records de Fania Records. Ray Barretto était dans l’écurie Fania Records depuis 1967, Santitos Colón a suivi son exemple en 1970 et par la suite Eddie Palmieri est arrivé à bord en 1980. Petit à petit, la compagnie Fania Records récupère la catalogue de l'impréssionante écurie Tico.

 

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Ces artistes sont incontestablement devenus de plus grandes stars qu’ils ne l’avaient jamais été en tant qu’artistes entiérement grâce à la compagnie Tico. Leurs contributions vont contribuer à faire de Fania Records le plus connu des compagnies de disques consacrées à la musique Latino.

Cependant, certains artistes de Tico Records ne correspondaient pas à la vision de Masucci pour la Salsa . Guadalupe Victoria Yoli Raymond, dit La Lupe, était malheureusement l’une d'elle. Situation étonnante car elle était certainement l’artiste la plus avant-gardiste de Tico. Les producteurs du label semblaient préférer la commercialisation de compilations d'anciens enregistrements à la promotion de ses nouveaux.

La Lupe (1936 - 1992) va effectuer l’une de ses dernières grandes performances au Teatro Puerto Rico, à la fin de son spectacle le public lui fait un véritable triomphe avec plusieurs rappels tapageurs. Lors de cette soirée mémorable, elle va chanter ses plus beaux succès, dont "Qué Te Pedí" composé par Tito Puente, et son morceaux intitulé "Oriente", encore arrangé par Tito, qui est un hommage émouvant à sa région natale de Cuba.

 

- Référence musicale 21 (en bas d'article) -

 

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- Guadalupe Victoria Yoli Raymond dit La Lupe (au centre) vers 1958 (Source : MTC ) -

 

Quelques mois plus tard, la grande reine de l’âme latine disparait subitement en 1992, à l'âge de 52 ans, à la suite d’une insuffisance cardiaque. Avec la perte de cette véritable Diva, encore bien jeune, c'est toute la communauté Hispanique et Latino de New-York City qui est est deuil : beaucoup seront littéralement hystériques de chagrin.

Le peuple Latino va d'ailleurs se rassembler à La Iglesia de Díos à New York City dans le quartier du Bronx pour rendre un dernier hommage. La mort de madame La Lupe marque bien la fin d'une époque d'or pour Tico Records. Cette disparition va effectivement coïncider avec le dernier souffle de la compagnie Tico Records.

Le tout dernier enregistrement produit et sorti par Tico Records est une compilation posthume des succès de la compagnie sorties en 1992Mais, en fait, la compagnie de disques Tico Records avait cessé de fonctionner comme un label actif bien avant cela. Bien qu’elle n’ait pas pu survivre à l’ère de la Salsa, cette époque aurait été inconcevable sans ses nombreuses contributions à la musique Latino.

 

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Au cours de ses quarante ans de vie, le label Tico Records va enregistrer tout les styles et facettes de la musique latine : des Merengues de la Dominique, des Rancheras du Mexique, des Tangos d'Argentine, des Cumbias de Colombie, des Pasodobles d'Espagne, et bien d’autres styles encore. Pourtant, malgré cette très grande variété de styles musicaux différents, la diversité du son n’était pas la force du label.

Ce que le label Tico a fait de mieux est indéniablement de vendre de la musique de danse Afro-Cubaine avec cette touche si particulière amenant la saveur Nuyorican (New York / Portoricaine) qui est à la base de la Salsa. L'influence de cette musique Latino sur l'ensemble de la musique et de la culture contemporaine va être très importante et même fondatrice pour certaines tendances.

 Cette profonde influence va tout d'abord toucher la musique Disco, puis, plus tard également influencer la musique et la culture Hip Hop en tirant une partie de ses racines dans le son de l'East Harlem Latino de New City. La musique Disco va elle emprunter le côté festif et dansant de la musique Latino pour séduire le public des boites de nuit en pleine expansion dans les années 1970.

 

- Référence musicale 22 (en bas d'article) -

 

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Kid Frost "La Razza" sur Virgin Records (964498) en 1990 (Source : 75 M.N.S®) -

 

La musique Disco va utiliser de simples et traditionnels rythmes de musique latines pour agrémenter d'une touche exotique et dansante des morceaux surtout destinés au public des clubs. C'est une période d'or pour les orchestres de Ray Barretto, ou les Fania All Stars qui parcourent le monde avec un grand succès.

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Plus tard, de nombreux artistes renommés, de cette culture urbaine de la fin du XXe siècle appelée Hip Hop, vont eux aussi grandir en écoutant les classiques de la musique Latino produits par Tico Records comme "Mambo Mona (Mama Guela)", "Chanchullo", " El Watusi", et bien sur "Bang! Bang! ". Le morceau de Kid Frost "La Razza" (voir ci-dessous) est justement emblématique de cette génération de l'Urban Latino Hip Hop Renaissance.

Désormais, en ce tout début de XXIe siècle, les vinyles originaux de la compagnie de disques Tico Records peuvent se vendre pour des centaines de dollars aux enchères, et les labels de réédition exploitent le catalogue pour de nouvelles compilations de musique Latino dite "vintage" en faisant des profits conséquents, tout en éduquant culturellement et musicalement les nouvelles générations.

 

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Sans aucun doute, pour tous les amateurs et passionnés de musique Latino, pour son haut niveau de musicalité, le haut calibre de ses artistes (presque toutes les grandes stars latines) et l’importance historique de beaucoup de ses sorties, Tico Records est très certainement l’un des labels de musique dédié à la musique Latino les plus importants du 20ème siècle

Pour sa part, Georges Goldner qui aura accompagné durant toutes ces années la compagnie Tico Records qu'il a lui-même mis sur pieds, va décéder d'une crise cardiaque le 15 avril 1970 alors qu'il était entrain de créer une nouvelle compagnie de disques. Les circonstances de sa mort ont été particulièrement tragiques : il est mort chez un ami après s’être plaint de douleurs cardiaques lors de sa dernière session d’enregistrement.

Georges Goldner va refuser d’aller (aux urgences) parce qu’il n’avait pas d’assurance médicale. Quelle terrible et triste ironie. L’un des dirigeants les plus respectés de l’industrie de la musique de la ville de New York City pouvait parier 1 000 $ ou plus sur un long coup, mais il ne pouvait pas se permettre de payer pour ses propres soins de santé !

 

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Ismael Rivera Con Cortijo sur Tico Records (Lp 1419)  en 1977 (Source : 75 M.N.S®) -

 

En moins de vingt-cinq ans, George Goldner a fondé plus d’une douzaine de labels. Dans le processus, il a aidé à attirer l’attention du public sur des groupes comme Frankie Valli and The Four Seasons, ou The Isley Brothers. Son label le plus célèbre et le plus réussi était sans doute Red Bird Records, dont le siège social se trouvait dans le célèbre Brill Building, qu’il va exploiter plus de vint ans, de 1964 à 1966.

 D'ailleurs, le tout premier single enregistré par son label Red Bird était un morceau appelé "Mambito", interprété par un groupe de Rock latin. Mais en fait, Georges Goldner ne va jamais abandonner son tout premier amour pour la Musica Latina. À la fin de l'année 1965, Georges Goldner lance Cotique Records, une autre grande aventure pour la musique Latino, que le Cercle Modernist va justement aborder très prochainement.

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Tout comme Morris Levy, décédé d’un cancer en 1990, Georges Goldner laisse derrière lui des ennemis, mais aussi de nombreux amis. "C’était une personne merveilleuse" témoignera George "Shadow" Morton, le producteur de Red Bird "C’était un homme créatif et un homme d’affaires. Il a fait plus pour la fondation de la musique Latino que quiconque".

 

 - Référence musicale 24 (en bas d'article) -

 

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  - Tico-Allegre Al Stars sur Tico Records (Lp 1325) en 1974 (Source : 75 M.N.S®) -

 

Finalement, la compagnie de disques Tico Records va découvrir plus de talents, à la fois devant le micro et dans les coulisses, que la plupart de ses autres concurrents dans l'industrie du disques. De nos jours, certains vinyles produits par Tico Records se revendent à prix d'or parmi les collectionneurs avertis.

Même si George Goldner est principalement et surtout connu comme le véritable "Roi du Doo Woop" ; pour tous les amateurs de sons Latinos, et l'ensemble des Mods à travers le Monde, il restera indéfiniment gravé dans nos coeurs comme l'unique et grand "Cha Cha Mambo King !"

 

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De nos jours, en 2022, le label Tico est très certainement un des labels les plus "joué" sur les platines des meilleurs Disc Jockey lors des soirées Modernist. L'influence de Tico Records va irriguer l'ensemble des scènes jouant des vinyles originaux qui se développent depuis la fin des années 1990 aux quatre coins du Monde.

Les merveilleuses et irrésistibles compositions enregistrées pas la compagnie de disques Tico Records, resteront les témoins éternels d'une exceptionnelle période, qui a vue les musiques issues des minorités transformer profondément l'ensemble de notre société contemporaine. 

 

Alexandre Saillide-Ulysse

75 M.N.S®

Sources :

 

- Franck Ténot "Dictionnaire du Jazz",

éditions Colin, Paris, 1967

 

- Isabelle Leymarie "Hot Sauces : Latin & Carribean Pop",

éditions Quill, New York City, 1985

 

- Isabelle Leymarie "La Salsa et le Latin  Jazz",

éditions PUF/QSJ, Paris, 1993

 

- Manuel Gomez Sanchez (traduit par Pelegero Monleau) "Guide essentiel de la Salsa",

éditions La Mascara, Paris, 1996

 

- Jean-Pierre Aldeguer "Salsa",

éditions JP Huguet, Paris, 2000

 

- Divers numéros des magazines :

 

- "Soul Bag",

- "Jazz Times",

- "Jazz Magazine".

 

Références musicales :

 

- Sélection 1 : Jose Curbelo And His Orchestra "Muchos Besos",

Carino Records (DBM1-5809) - 1974 (enregistrement original 78Tours Tico Records en 1951).

 

- Sélection 2 : Don Azpiazu & His Havana Orchestra "The Peanut Vendor", RCA Records (51/5004) - 1949 (enregistrement original 78Tours Victor Records en 1930).

 

- Sélection 3 : Miguelito Valdes & His Orchestra "Guaguancoa",

Tico Records (45-10) - 1952

 

- Sélection 4 : Tito Puente And His Orchestra "Swinging The Mambo",

RCA Records (47/6065) - 1950

 

- Sélection 5 : Tito Puente "Mambo Macoco",

Tico Records (45-1) - 1952

 

- Sélection 6 : Joe Loco His Piano And Trio "Why Don't You Do Right", Tico Records (EP/4527) - 1954

 

- Sélection 7 : Machito And His Orchestra "Juanito",

 Tico Records (415) -1963

  

- Sélection 8 : Joe Loco "Mucho Swing",

Tico Records (45-35), 1952

 

- Sélection 9 : Neil Lewis And His Quintet "Easter Parade",

Tico Records (45-245) - 1955

 

- Sélection 10 : Tito Rodriguez And His Orchestra

"The Spotlight Guapacha", Tico Records (45-390) - 1961

 

- Sélection 11 : Tito Puente And His Quintet "The Continental",

Tico Records (177) - 1953

 

- Sélection 12 : Marco Rizo His Piano And Orchestra "Festival",

Tico Records (412) - 1963

 

- Sélection 13 : Eddie Palmieri "Suave",

Tico Records (440) - 1966

 

- Sélection 14 : Rafael Cortijo "Chinito Boogaloo",

Tico Records (518) - 1967

 

- Sélection 15 : Joe Cuba Sextet "El Tapon",

Tico Records (LP119) - 1964

 

- Sélection 16 : Ray Barretto " El watusi",

Tico Records (419) - 1963

 

- Sélection 17 : Joe Cuba Sextet "Bang Bang",

Tico Records (475) - 1966

 

- Sélection 18 : Tito Puente "Watcht It",

Tico Records (590) - 1971

 

- Sélection 19 : Tito Rodriguez "The Spotlight Guapacha",

Tico Records (390) - 1961

 

- Sélection 20 : Tito Puente & Eddie Palmieri "Picadillo Jam",

Tico Records (PER/001) - 2001

 

- Sélection 21 : La Lupe "Che Bueno Boogaloo",

Tico Records (511) - 1967

 

- Sélection 22 : Kid Frost "La Razza", 

Virgin Records (964498) - 1990 

 

- Sélection 23 : Ismael Rivera Y Cortijo "Boriquen",

Tico Records (1419) - 1977 

 

- Sélection 24 : Tico Allegre All Stars "Si Yo Encontrara un Amor",

Tico Records (1325) - 1974



14/05/2022
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