Le Cercle Modernist

Le Cercle Modernist

Big Maybelle (1924 - 1972)

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- Mabel Louise Smith dit Big Maybelle (Source : CR) -

 

 

Nous allons aborder dans cette rubrique "Race Music" du "Cercle Modernist" la vie et l'oeuvre artistique d'une talentueuse et mythique chanteuse, madame Mabel Louise Smith, plus connue sous le nom de Big Maybelle. Une artiste majeure, peu gâtée par la vie, et surtout malheureusement pas assez reconnue. 

Tout d'abord, je dois vous préciser que choix de placer cette chanteuse dans la partie "Soul et Rhythm'n'Blues" de cette rubrique, et non dans la partie "Blues", n'est pas anodin. Effectivement, cette immense artiste illustre parfaitement une période de transition musicale cruciale pour la musique Afro-Américaine, entre la fin années 1940 et le début des années 1950.

Une période de transition extrêmement riche pour la musique Afro-Américaine qui voit, entre autres, l'émergence du Rhythm'n'Blues. Un style musical dont Big Maybelle est justement une des grandes représentantes. C'est elle qui va enregistrer la toute première version de "Whole Lot Of Shakin Gone" dès 1955 pour Okeh Records, et non Big Mama Thorton comme il est souvent admis.

Big Maybelle , immense "Lady Of Rhythm'n'Blues", est clairement une artiste de tout premier ordre pour tout Modernist. Son oeuvre est écoutée avec ferveur depuis l'origine du mouvement à la fin des années 1950 ; et, il n'est pas rare d'entendre son incomparable voix dans les Clubs Mod aux quatre coins du monde en 2020 .

 

 - Référence musicale 1 (en bas d'article) -

 

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- Affiche de Concert 1954 (Source : HA/BL) -

 

 

 

"The Lady Of Rhythm'n'Blues"

 

Big Maybelle

(1924-1972)

 

 

Née Mabel Louise Smith, la chanteuse Big Maybelle voit le jour le 1er mai 1924 dans la ville de Jackson, située dans l'état du Tennessee. Jackson est une ville typique du South USA ; elle est distante de 200 kilomètres de Nashville la capitale de l'état du Tennessee

Originairement occupé par la tribu des indiens Chickasaw, cet emplacement va d'abord s'appeler Alexandria. Puis en 1821, il va devenir la ville de Jackson en l'honneur du général Andrew Jackson, héros de la Guerre d'Indépendance de la jeune république fédérale des Etats-UnisLa ville de Jackson va être une des premières villes a se développer parmi les états du Sud.

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Depuis la Guerre de Sécession la ville est devenue un véritable "point" ferroviaire très important. Jackson va très largement participer à la grande aventure du chemin de fer aux Etats-Unis. Le véritable maillage ferroviaire qui va accompagner la montée en puissance du pays dès sa période fondatrice dite de "la conquête de l'Ouest" au XVIIe et XVIIIe siècles.

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   La toute jeune Mabel Louise Smith va commencer a chanter très tôt. Comme beaucoup d'enfants au sein des familles Afro-Américaines durant cette période, elle commence comme simple choriste au sein de la formation vocale de son église. La petite Mabel accompagne effectivement très régulièrement sa famille à l'église pour apprendre a chanter la musique Gospel.

Le Gospel est une musique fondatrice pour l'ensemble de la culture Afro-Américaine, et tout spécialement le Blues et le Rhythm 'n' Blues. Le Gospel est avant tout une musique vocale chrétienne, issue directement des chants Negro Spirituals des anciens esclaves Noirs. Le mot Gospel fait d'ailleurs référence au terme issu de l'ancien Anglais "Godspell" qui se traduit par "évangile". De plus, la technique facilite et accélère les choses, avec l'arrivée d'instruments de musiques à vent, comme l'orgue.

La musique Gospel est omniprésente durant ces années 1920/1930 aux Etats-Unis, et plus particulièrement au sein des importantes communautés chrétiennes d'obédiences Baptistes ou Pentecôtistes de la communauté Afro-Américaine. Son influence va être profonde et très importante au sein de cette communauté : le nombre colossal de musiciens majeurs de la culture Afro-Américaine qui vont faire leur apprentissage au sein de "l'école Gospel" illustre justement et pleinement cette importance.   

  

- Référence musicale(en bas d'article) -

 

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- Encart publicitaire en 1952  (Source : O.C/R) -

 

Justement à propos du Gospel, et plus précisément à propos de son rôle fondateur pour la musique et l'ensemble de la culture Afro-Américaine, n'hésitez pas a vous reporter vers l'article "Une Petite Histoire du Blues Partie 1" situé dans la partie "Blues" de cette rubrique "Race Music" du "Cercle Modernist".

Dès son plus jeune âge, la chanteuse va donc apprendre le chant avec ce timbre de voix envoûtant bien spécifique au style musical Gospel. Cette fantastique musique sacrée va incontestablement forger son caractère, et faire éclore un incroyable charisme musical et vocal. De plus, forgée par les dures épreuves de sa vie, la voix de Big Maybelle va devenir plus profonde et chargée d'une puissante mélancolie.

Déjà dotée d'une forte personnalité, Mabel Louise Smith débute donc très tôt sa carrière de musicienne et chanteuse professionnelle en rejoignant les orchestres, Big Bands, particulièrement en vogue à cette époque. Beaucoup d'établissements et institutions scolaires possédaient leurs propres orchestres, sans compter les nombreux orchestres dévoués aux cérémonies religieuses. Une période que nous avons largement abordé dans différents articles de cette rubrique "Race Music" du "Cercle Modernist".

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La toute jeune Mabel Louise Smith est donc engagée au sein du Dave Clarck's Menphis Band à l'âge de 12 ans en 1936 ! Une précocité qui la rapproche des plus grands musiciens de la culture Afro-Américaine, comme par exemple Big Mama Thorton. Cette autre très grande dame et figure incontournable du Blues Afro-Américain, va effectivement débuter sa carrière professionnelle en 1938 à l'âge de 14 ans par une série des concerts à travers les Etats-Unis pour la fameuse "Hot Harlem Revue". Les autres exemples de grande précocité de ces artistes et musiciens Afro-Américains sont légions. Une des explications de cette particularité est sans aucun le profond enracinement de la culture musicale au sein de cette communauté.

Après cette première expérience au sein d'une formation professionnelle, Mabel Louise Smith va rejoindre deux autres orchestres dont la particularité est d'être dirigé par des femmes. N'oublions pas que la musique Afro-Américaine a été une des première formes d'expression artistique pour les femmes issues de la communauté Afro-Américaine. Mabel Louise rejoint donc tout d'abord l'International Sweethearts Of Rhythm, formation féminine très apprécié par la communauté Noire aux Etats-Unis.

Pour la petite histoire, l'orchestre féminin de l'International Sweethearts Of Rhythm se produisait régulièrement dans le quartier de Harlem à New York City au sein du mythique Apollo Theatre. Cette formation féminine va graver quelques titres pour le label RCA, mais le groupe va surtout acquérir sa renommé en effectuant des tournées de soutien pour l'U.S Army durant la Seconde Guerre MondialeA partir du milieu des années 1930 Louise Mabel Smith joue du piano au sein du Christine's Chatman Orchestra.           

 

- Référence musicale  3 (en bas d'article) -

 

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- Photos promotionnelles 1956 (Source : DMCR) - 

 

Mabel Louise Smith va rapidement trouver sa place au sein du Christine's Chatman Orchestra, elle va rester dans cette formation jusqu'au milieu des années 1940. C'est d'ailleurs avec l'orchestre de Christine Chatman, qui est l'épouse du grand Bluesmen Memphis Slim, qu'elle fait la toute première fois son apparition sur un enregistrement. Mabel enregistre effectivement en accompagnement de Christine Chatman qui sort (en solo sans son orchestre) ses premiers vinyles, encore en 78Tours à l'époque,  pour la compagnie Decca Records entre 1944 et 1947.

Entre 1947 et 1950, Mabel Louise Smith rejoint l'orchestre de Tiny Bradshaw, compositeur et chanteur (également diplômé en psychologie). Même si Mabel Louise Smith ne connait pas la période de grand succès de l'orchestre de Tiny Bradshaw, (après 1951 justement) elle va largement participer à la renommée de son orchestre. Tiny Bradshaw a d'abord commencé a jouer du Swing Jazz au milieu des années 1930. C'est surtout plus tard qu'il va avoir du succès après sa reconversion dans le Rhythm'nBlues. Pour la petite histoire, c'est Tiny Bradshaw qui va écrire et enregistre le morceau "Train Kept A Rollin" ; futur grand succès du groupe Anglais The Yardbirds en 1966.

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C'est aussi durant cette période que Louise Mabel Smith enregistre ses premiers vinyles. Elle ne porte pas encore son légendaire surnom de Big Maybelle, la chanteuse enregistre ses premiers disques 78Tours pour la compagnie King Records en 1947 sous son propre nom, en l'occurrence Mabel Smith. Durant cette période, la compagnie King Records, qui est fondée en 1944 par Sydney Nathan, veut réorienter son style en passant de la musique Country au Rhythm'n'Blues. Le label voulait donc absolument enregistrer cette artiste prometteuse, et Mabel Louise Smith va donc bénéficier de cette nouvelle réorientation.

Mais la carrière de la chanteuse va prendre une dimension plus importante, grâce à une nouvelle rencontre lors d'un concert. Attiré par les critiques locales élogieuses dans la presse locale, Fred Mendelshon, un producteur de la maison de disques Okeh Records, vient effectivement assister à une des prestations de la chanteuse. Fred Mendelshon, totalement impressionné par le charisme de l'artiste sur scène, et l'incroyable puissance de sa voix, lui fait immédiatement signer un contrat pour sa maison de disques Okeh Records. C'est aussi le début d'une longue collaboration entre Louise Mabel Smith et Fred Mendelshon.      

 

- Référence musicale 4 (en bas d'article) -

 

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- Publicité Presse 1954 (Source : BUL/PR) -

 

Cette collaboration est d'ailleurs scellée dès le départ par le changement de nom de Louise Mabel Smith en Big Maybelle. Surnom justement trouvé par Fred Mendelshon pour la nouvelle vedette de l'écurie Okeh Records. Désormais dénommée Big Maybelle, Louise Mabel Smith va donc entamer sa carrière pour Okeh Records en 1952, et jusqu'en 1956. Une très fructueuse collaboration qui va lui permettre d'enregistrer 11 singles, dont certains vont devenir de véritables succès commerciaux.

La compagnie de disques Okeh Records est une entreprise prospère durant ces années, elle bénéficie tout d'abord de son statut de compagnie de disques "pionnières" comme Columbia Records. Une compagnie de disque qui au départ distribuait des phonogrammes et qui a vite développer son propre système de presse de microsillons, une technologie qui va permettre au label une certaine avance. Et, n'oublions pas surtout que Okeh Records est la toute première maison de disques qui va enregistrer une artiste féminine Afro-Américaine en la personne de Mamie Smith (1883-1946) une autre très grande pionnière de cette riche culture.

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Dès son tout premier enregistrement, en novembre 1952, dans les studios d'enregistrement de la compagnie Okeh Records, Big Maybelle remporte déjà un franc succès avec son morceau "Gamblin Blues" (morceau disponible dans la sélection musicale). Ce morceau atteint la troisième place du R&B BillBoard en 1952, il permet à la chanteuse d'acquérir une renommée sur l'ensemble du territoire des Etats-Unis. Big Maybelle est bien dans son rôle de nouvelle vedette, une situation qui cache une vie privée bien plus mouvementée.

Comme je l'ai précisé dès le départ, Mabel Louise Smith ne va être gâtée par la vie, surtout avec ses compagnons. Elle va devenir littéralement accro à la drogue dure, l'héroïne en l'occurrence ; en grande partie à cause de son second mari qui va la rendre totalement dépendante de cette terrible drogue. Pour la petite histoire, le titre de son plus grand succès ("Candy") est d'ailleurs une référence à cette drogue qui va l'accompagner jusqu'à sa mort. Une addiction qui va la détruire petit à petit, une situation qui va également abîmer son image auprès du public, et de certains de ses collègues musiciens. Cela explique aussi en partie son manque de succès, et surtout de reconnaissance.

 

 - Référence musicale 5 (en bas d'article) -

 

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- Publicité Savoy Records en 1956 (Source : 75 M.N.S ®) -

 

Après "Gamblin Blues" en 1952 Big Maybelle va donc connaître d'autres beaux succès (moins notables néanmoins) parmi ses 10 autre singles enregistrés pour Okeh Records. Les morceaux "Way Back Home" en avril 1953 (Okeh Records 4-6955) , "My Country Man" (Okeh Records 4è7009) en octobre 1953, et plus tard en 1955 "One Monkey Don't Stop No Show" (Okeh Records 4-7060) vont avoir un succès dans les Charts et émissions radiophoniques locales. Malgré l'extraordinaire qualité de ses enregistrements, seul son premier morceau va réellement devenir un succès sur tout le territoire des Etats-Unis rapporter de l'argent à sa compagnie de disques.

Ce manque de succès et de reconnaissance est d'autant plus étonnant que Big Maybelle était accompagnée de la crème des musiciens de studios. Le label Okeh Records aurait dû effectivement être le lieu de son sacre car la chanteuse était entourée de véritables musiciens virtuoses. Son accompagnement était de haute volée, ses sessions d'enregistrement pour Okeh Records s'effectuaient avec, entre autres, le grand guitariste Mickey Baker et la fantastique section de cuivre du saxophoniste Sam Taylor

 

- Référence musicale 6 (en bas d'article) -

 

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 - Affiche Concert en 1957 (Source : HER) -

 

En 1955, Big Maybelle enregistre le morceau "Whole Lotta Shakin' Goin' On", sur la Face A de "One Monkey Don't Stop Show" . C'est l'avant dernier single de Big Maybelle qui va être produit par le grand Quincy Jones. Plus tard, en 1957, ce morceau va connaître une nouvelle vie et un succès beaucoup plus important avec l'interprétation de Jerry Le Lewis. Encore une fois, Big Maybelle passe malheureusement une nouvelle fois à côté d'un énorme succès qui lui aurait enfin donné la reconnaissance tant méritée.

Après son tout dernier enregistrement pour Okeh Records en 1956 ("Such a Cute" / "The Other Night" Okeh Records 4-7066), Big Maybelle va suive son producteur Fred Mendelshon qui est congédié par Okeh Records. Big Maybelle débute une nouvelle étape de sa carrière avec la signature d'un contrat avec la compagnie Savoy Records en mai 1955. Dès son arrivée dans l'écurie de sa nouvelle compagnie de disques Big Maybelle enregistre "Candy" (Savoy Records 456-1195), qui va devenir plus tard un de ses morceaux emblématiques.

 

La compagnie de disques Savoy Records est originellement fondée en 1942 par Herman Libinsky journaliste radiophonique et producteur au caractère redouté. Cette compagnie se spécialise dès sa création dans la musique Afro-Américain, et tout spécialement au Jazz et au Blues. Le catalogue de ce label est vraiment impressionnant, sans compter les artistes renommés qui font leur débuts dans les studios Savoy Records. Entre Miles Davis, Erroll Garner, Dexter Gordon, ou encore Charlie Parker la liste est effectivement spectaculaire. En 1955, l'année de la sortie du premier 78Tours de Big Maybelle ("Candy"), Little Jimmy Scott, Nappy Brown, et Wilbert Harsisson enregistrent aussi pour Savoy Records. C'est la grande chanteuse Little Esther qui précède "Candy" ce mois de mai.

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Après le grand succès obtenu auprès du public avec "Candy", Big Maybelle ne va pas malheureusement retrouver une telle réussite commerciale. Certes, quelques morceaux de la chanteuse percent au niveau local mais le triomphe nationale n'est plus réellement là. Big Maybelle va pourtant enregistrer ses plus beaux morceaux, plus d'une dizaine de singles, pour Savoy Records. De plus, la puissance de ses prestations est impressionnante durant cette période, n'oublions pas que la chanteuse est rongée par la drogue qui la déstabilise totalement : le chant devient salvateur pour Mabel Louise Smith.

C'est aussi durant cette fin de période chez Savoy Records qu'elle commence a s'initier au chant à d'autres styles musicaux que son Gospel originel. Mabel Louise Smith est une chanteuse qui a la particularité d'avoir traversé les frontières des genres musicaux. Une particularité musicale qui explique le fait que cette chanteuse est apprécié et collectionnée par différents types de public passionné. La carrière de Big Maybelle est effectivement autant appréciée par les fans de Blues, et Rhythm'n'Blues, pour la première partie de sa carrière ; que par les collectionneurs de Soul, comme au sein de la scène Northern'Soul.

Lorsqu'elle fini son contrat pour Savoy records, Big Maybelle va donc amorcer un nouveau tournant dans sa carrière, par le biais de différentes compagnies de disques qui ne sont pas toutes des "Majors Company's" mais qui ont l'avantage d'être plus en phase avec leur temps et surtout le marché des disques. Big Maybelle signe tout d'abord en 1962 un contrat pour la compagnie de disques Brunswick Records. En fait, ce n'est pas un hasard si la chanteuse rejoint cette compagnie de disques déjà bien installée dans cette industrie encore florissante au début des années 1960. 

 

- Référence musicale 7 (en bas d'article) -

 

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- Encart publicitaire Savoy Records en 1956 (Source : BUL/SR) -

 

Brunswick Records est une compagnie de disques qui est en pleine renaissance lorsque Big Maybelle la rejoint., Le label fait désormais partie de la grande compagnie Decca Records. Brunswick Records, fait partie des premières compagnies qui vont distribuer des disques en format 78Tours. La compagnie est effectivement fondée originellement par une entreprise. la Brunswick-Balke-Collender Company ; Une entreprise qui fabrique des instruments de musique, plus particulièrement des phonographes et des pianos mécaniques, ancêtres de l'orgue.

Après le succès obtenu durant la période d'avant la Première Guerre Mondiale avec la "Race Music" (ces productions réservés aux public Afro-Américain à cause de la ségrégation raciale / voir article dans cette rubrique), la compagnie Brunswick Records va connaître des heures beaucoup plus sombres financièrement avec la Grande Dépression en 1929. Une situation qui va toucher l'ensemble de l'industrie du disque, et plus spécialement les compagnies de la Windy City Chicago.

C'est donc durant les années 1950 et 1960, après le rachat effectué par Decca Records, que cette compagnie de disques va retrouver les faveurs du public. Mais c'est surtout la venue Nat Tarnopol qui va changer la donne pour le label. Nat Tarnopol est producteur à Chicago, c' est un découvreur de talent de haut rang. Il va agrémenter le catalogue de la compagnie Brunswick Records avec des artistes comme Barbara Acklin. La grande vedette du label est toujours Jackie Wilson. le grand chanteur va d'ailleurs signer en 1964 pour prolonger son contrat avec la compagnie.

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Big Maybelle va enregistrer très peu de singles (4 exactement), dont le réenregistrement du morceau "Candy" (Brunswick 55234) en 1962, pour Brunswick Records. En fait, Big Maybelle va rester longtemps chez Brunswick Records, son dernier singles pour cette compagnie sort en 1968, mais en fait elle ne va pas beaucoup travailler. En 1964, l'année qui la voit rejoindre une nouvelle compagnie de disques Rojac Records, elle enregistre aussi pour la compagnie Scepter Records. Ces enregistrements pour Scepter Records sont d'ailleurs particulièrement appréciés:  "Oh, Lord, What Are You Doing To Me / Same Old Story" (Scepter 1279) et "I Don't Want To Cry" / "Yesterday's Kisses" (Scepter 1288). Des morceaux qui mettent totalement en exergue la voix déchirante et dramatique de Big Maybelle.

  Big Maybelle va donc signer un nouveau contrat professionnel pour la compagnie Rojac Records en 1964. La chanteuse enregistre dès son arrivée, en novembre 1964 exactement, un single ("My Mother's Eyes" / Careless Love" Rojac 1003) pour sa nouvelle maison de disques. Elle va intégrer une petite compagnie qui va incontestablement marquer la musique Afro-Américaine de son temps par la qualité de son catalogue. La compagnie de disques Rojac Records est fondée en 1963 par Jack Taylor, alias Fat Jack, un homme d'affaires aux multiples activité, et gangster notoire ... Certaines de ses activités sont légales, comme justement la création et la direction du label Rojac ; et d'autres beaucoup moins légales.

Jack Taylor est une figure du quartier de Harlem à New York City au début des années 1960. Lorsqu'il décide de créer cette compagnie de disques, son intention première est de faire signer et d'enregistrer les meilleurs musiciens de son quartier de Harlem en pleine effervescence durant ces années d'or pour l'industrie du disque. Au même titre que le génial Berry Gordy à Detroit, Jack Taylor veut littéralement "saisir" les sons du moment pour rendre compte de l'extrême richesse culturelle de la scène musicale dans la Big Apple. Jack Taylor n'est pas un nouveau venu lorsqu'il met sur pieds Rojac Records, il dirige effectivement avec succès sa première compagnie de disques Tayster Records. Label qui va, entre autres, produire la pépite de Little Jewel "I Want To" (Tayster 6001) en 1967.

 

- Référence musicale 8 (en bas d'article) -

 

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- Logo Rojac  Records (Source : DD/RR) -

 

Mais c'est surtout après, lors de la période des Clubs jouant du Disco, et plus tard avec le mouvement Hip Hop que les productions de ce label vont devenir beaucoup plus populaires. Tayster Records, tout comme Rojac Records, vont en plus bénéficier de rééditions de qualités durant les années 1980. Des rééditions de qualités, souvent accompagné de biographies ou de renseignements utiles, qui ont d'ailleurs souvent permis une toute première découverte et éducation musicale à beaucoup d'entre nous. Au final, et même si il opère dans un autre registre étant donné les différentes époques musicales, il n'est pas exagéré de parler de véritable "label soeur" pour Rojac Records.

Big Maybelle est la première grande signature du label de Jack Taylor en 1964, en fait auparavant Rojac Records n'a enregistré en tout que 4 singles. Plus précisément, c'est Wake Donald ("You Know How i Feel" / "Come On Home" Rojac 1000) qui enregistre le tout premier single de la compagnie Rojac Records. Big Maybelle va donc sortit son premier single en novembre 1964, juste après la sortie des morceaux "What's My Chance" et "No One To Call My Own" par Chuck Flamingo (Rojac 45-1001). Ce tout premier morceau de Big Maybelle pour le nouveau label de Jack Taylor va bien marcher et va permettre à Rojac Records de se mettre en avant, un avantage non négligeable au regard du grand de la bel durant cette époque à New York City.

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Big Maybelle est particulièrement bien entourée par l'équipe du propriétaire Jack Taylor, ce dernier n'est pas seulement propriétaire et producteur car il lui arrive aussi de composer. Les productions de son label reflète clairement la grande qualité et le professionnalisme de son travail. Big Maybelle va enregistrer plus d'une dizaine de singles pour Rojac Records, tout en enregistrant quelques séances pour le label des frères Chess, Chess Records.

La chanteuse va  effectivement sortir également deux singles pour la compagnie de Chicago en 1967, dont deux versions du fameux morceau "It's a Man Man World". Pour la petite histoire, "It's a Man Man World" est un morceau toujours attribué à James Brown et Betty Jean Newsome ; malgré les contestations de cette dernière qui affirme avoir écrit toute seule les paroles. Je me permet justement de vous préciser que le label des frères Chess, et ses nombreux satellites, va faire très prochainement l'objet d'un long article (avec des témoignages inédits !) très prochainement mis en ligne dans cette rubrique "Race Music / Blues" du "Cercle Modernist".

 

- Référence musicale 9 (en bas d'article) -

 

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- Lp Rojac Records (Ro-122) en 1966 (Source : 75 M.N.S®) - 

 

La chanteuse va également enregistrer pour un autre label durant cette période, en 1965 plus précisément. Plus exactement, c'est un de ses 45t sorti pour Rojac Records ("Let Me Go" / "No Better For You" - Rojac 1006) qui va être intégralement redistribué par Port Records la même année 1965. Big Maybelle va donc poursuivre sa carrière durant la seconde partie des années 1960 avec Rojac Records principalement, la chanteuse va d'ailleurs enregistrer son tout dernier titre ("Old Love  Never Dies" / "How it Lie" Rojac 124) en 1969 pour la compagnie de Jack Taylor.

A partir du début des années 1970 Louise Mabel Smith souffre de plus en plus de son diabète, elle pèse désormais plus de 100kg. Automatiquement, les déplacements de Big Maybelle deviennent de plus en plus difficiles, mais elle arrive tout de même a effectuer quelques concerts jusqu'au dernier moment de sa vie. Car, malheureusement, Big Maybelle est totalement épuisée par sa maladie, le diabète. De plus elle est ravagée par son addiction à la drogue.

Louise Mabel Smith va mourir en 1972 d'un coma diabétique. Malgré cette soudaine et inattendue disparition, la chanteuse nous lègue une oeuvre musicale d'une incroyable qualité et profondeur. Les nombreuses épreuves de la vie vont lui léguer une voix, un "coffre", qui donne encore des frissons à ceux qui ont eu la chance de voir ses impressionnantes prestations scéniques. 

  

 - Référence musicale 1O  (en bas d'article) -

 

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- Big Maybelle en 1971 (Source : DAM.BL) -

 

 

Big Maybelle va marquer de nombreuses générations de passionnés de musique Afro-Américaine, cette grande chanteuse est désormais devenue une authentique référence. Louise Mabel Smith est inscrite ad eternann parmi les grandes figures féminines qui ont forgè la musique contemporaine.

Pour nous, Modernists, elle représente avec merveille la profondeur et la richesse de cette culture Afro-Américaine qui compose en grande partie les fondements de notre Mod'Culture. Pour tous, il est désormais grand temps de reconnaître, et de s'incliner,  devant l'immense oeuvre musicale de madame Louise Mabel Smith.    

 

Alexandre Saillide - Ulysse

75 M.N.S ®

 

Sources :

 

 

- Peter GuralnickSweet Soul Music: Rhythm and Blues and the Southern Dream of Freedom" Editions First Harper & RowNew York, 1986

Patrick Bard et Patrick Raynal, "Blues Mississippi", Editions La Martinière, Paris, 1993

Jacques Barsamian et François Jouffa, "Encyclopédie (de la) Black Music", Editions Michel LafonParis, 1994

Frank Hoffman, "Encyclopedia of Recorded Sound", Editons Taylors & Francis, London

- Divers numéros des magazines "Soul Bag", "Jazz Hot" et "Blues Unlimited".

 

 

Références musicales :

 

- Sélection 1 : Big Maybelle "I've Got A Feeling" - Okeh Records (4-7026) - 1954

- Sélection 2 : Big Maybelle "Gabbin' Blues" - Okeh Records (4-6931) - 1952

- Sélection 3 : Big Maybelle "Send For Me" - Okeh Records (4-6998) - 1953

- Sélection 4 : Big Maybelle "My Big Mistake" - Okeh Records (4-7042) - 1954

- Sélection 5 : Big Maybelle "Candy" - Savoy Records (45-1195) - 1956

- Sélection 6 : Big Maybelle "I Don't Want To Cry" - Savoy Records (45-1512) - 1957 

- Sélection 7 : Big Maybelle " Tell Me Who" - Savoy Records (45-1500) 1956

- Sélection 8 : Big Maybelle "That's A Pretty Good Love" - Savoy Records (45-1195) - 1956

- Sélection 9 : Big Maybelle " Quittin'Time" - Rojac Records (ROJ-118) - 1968

- Sélection 10 : Big Maybelle " I Can't Wait Any Longer" - Rojac Records (ROJ 115) - 1967 



10/04/2020
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